Entre-t-on en écriture comme en politique ? Doit-on mener campagne dans les deux cas ?
"C'est le plus grand parti de France, celui des auteurs potentiels. A n'importe quelle élection, il remporterait tous les suffrages : un Français sur trois a déjà songé à écrire un livre, 32 % exactement", selon un sondage Le Figaro littéraire-OpinionWay réalisé en 2009 et que porte à ma connaissance ce mail de Marion, à l'occasion du lancement de la version bêta du "premier site Web d'aide à l'écriture de roman", DraftQuest.com (bit.ly/15i0B4F).
Ce site "prend à contre-pied le dogme selon lequel pour écrire, il faut être inspiré, sans toutefois oublier que l'enthousiasme de l'écriture est un phénomène bien réel".
Pour l'aider à franchir le pas, l'internaute-joueur "a trente jours pour réaliser une campagne, c'est-à-dire le premier jet d'une fiction". Il est mis "face à des pictogrammes qui jouent le rôle de déclencheurs d'écriture", dispose de vingt minutes pour "libérer sa créativité" et sera même rappelé à l'ordre, chaque jour, par mail, pendant trente jours.
Et si je jouais à écrire ? J'opte pour un programme de cinq rounds de cinq minutes, et ses quatre pictogrammes. Que m'inspirent ce croissant de lune, cette silhouette humaine, un verre à la main, une bouteille dans l'autre, ce masque souriant et cette valise ? Le sablier, à gauche de l'écran, égrène les secondes, puis les minutes.
"PLEUREUR-RIEUR"
Rien. Pas l'ombre d'une idée, puis... les doigts s'élancent, mon esprit galope à leur suite. Ou inversement : "Nuit. Beuverie. Masque. Départ." Le sablier m'obnubile. "Nocturne. Ivre. Rieur. Fuyant."
Encore 2 minutes 22... et, à peine l'ai-je constaté que je ne dispose plus que de 2 minutes 18, 17, 16... "La nuit vient de tomber. Il ne va pas tarder à tomber. Tombent les masques. Un voyage, ça tombe bien." 1 minute 54, 53... "Noire. Noire. Expirez... inspirée."
1 minute 05, 04, 03... "Par une nuit du mois de mai, j'ai bu plus qu'il ne faut, et ri aussi, partant au-delà de l'écho de mon rire." 22 secondes, 21, 20... "Nuit-jour. Ivre-sobre. Pleureur-rieur. Départ-Arrivée" "Le temps d'écriture est fini !", me dit-on.
Après validation, je butine les écrits d'autres "joueurs". Cette unique phrase, noyée dans l'immensité de l'écran : "C'est dans la nuit noire et obscure que j'ai puisé mon inspiration." Un autre s'est visiblement endormi sur son clavier : "sdhfkjsfdjkfh sdjkfhsd sfndskvh skln (...) f ;,w xnw insc, qs c, cnj iwn."
Ecrire, quitte ou double ?