– Dis maman, c’est quoi un dictateur?
– Un dictateur, c’est, c’est…
comment te dire… quelqu’un qui ne supporte pas qu’on ne soit pas
d’accord avec lui.
– Comme toi? Papa dit que t’es un vrai dictateur.
– Papa exagère, tous les dictateurs
ont du caractère mais quand tu as du caractère, tu n’es pas forcément un
dictateur.
– Un dictateur, c’est toujours méchant?
– Un dictateur, c’est un méchant qui
veut se faire passer pour un gentil et qui raconte qu’il est obligé
d’être méchant parce que les autres ne sont pas gentils.
– Mais à quoi on reconnaît un dictateur?
– Déjà, le dictateur ne reconnaît jamais qu’il est un dictateur.
– C’est mal de parler à un dictateur?
– Il y a des gens qui croient qu’en
nouant un contact avec un dictateur, ils vont l’aider à s’améliorer,
d’autres qui pensent que puisque le dictateur a de l’argent, autant en
profiter pour lui vendre des armes, et enfin il y a des personnes qui
considèrent que c’est absolument honteux de fréquenter un dictateur et
de faire du commerce avec lui.
– C’est un peu compliqué tout ça.
– C’est pour ça qu’il y a des diplomates qui réfléchissent à tous ces problèmes.
Comme le dictateur ne supporte pas
la critique, le diplomate fait toujours très attention aux mots qu’il
emploie. Alors, souvent, il "déplore" que les Droits de l’homme ne soient pas respectés, il "condamne" l’usage de la force.
– Mais si on vend des armes à un
dictateur et qu’après il tue des gens avec, c’est un peu notre faute?
– Oui, mais tu peux aussi penser que si tu ne vends pas d’armes à un dictateur, un autre pays le fera.
Pour résumer, les démocraties fabriquent les armes, les dictatures les achètent et les diplomates s’arrangent pour que personne ne soit au courant. Pauvre Patrick Ollier. Le sort s’acharne injustement contre cet homme irréprochable. En décembre, le gendre attentionné a gentiment accompagné ses beaux-parents en Tunisie pour les aider à placer leurs modestes économies. En janvier, il a tenté maladroitement de défendre sa femme, la Dora l’exploratrice de la Tunisie, victime innocente d’un complot politico-médiatique. En février, son ami Khadafi tire sur son peuple et voilà qu’on lui reproche ses accointances avec le régime de Tripoli. Celui qu’on appelle "le coureur de fonds lybiens" s’estime "sali" par Internet, il le déplore et l’a fait savoir: "Pensez-vous qu’on puisse passer à travers tout cela sans douleur ? Nous avons un cœur qui bat dans notre poitrine, comme vous. […] Nous sommes salis en permanence." Le plus injuste, c’est qu’on méconnaît tous les efforts de Patrick Ollier pour contribuer à plus de démocratie en Libye. N’a-t-il pas été jusqu’à offrir De l’esprit des lois de Montesquieu au guide de la révolution ? On est pétri d’admiration devant un tel courage politique. Donner De l’esprit des lois à Khadafi c’est comme offrir la bible à un athée, Les Misérables à un trader, un dictionnaire Vidal à un rebouteux. Une plaisanterie court au Quai d’Orsay. "Mam et Pom sont dans un bateau, ils tombent à l’eau, qui est sauvé? La diplomatie française."
On connaissait les Alcooliques anonymes, voici maintenant les "Diplomates anonymes". Le groupe Marly a signé une tribune corrosive dans Le Monde pour dénoncer la diplomatie impulsive du président. A quand une tournée préventive des diplomates en jet privé dans les ambassades comme Jean-Luc Delarue en camping car dans les lycées? Les diplomates anonymes pourraient expliquer comment lutter contre l’addiction à l’argent des dictatures et rappelleraient le B.A.BA du métier d’ambassadeur si bien résumé par Victor Hugo: "Les diplomates trahissent tout, excepté leurs émotions." Khadafi surnommait Patrick Ollier "mon frère" et Boris Boillon "mon fils", cela ne leur a pas porté chance. Le Mickael Vendetta de la diplomatie a posté sur le site Copains d’avant une photo de lui en maillot de bain tous muscles dehors : son excellence en éminence. La photo a circulé sur le Web. Boris s’est fâché, précisant qu’il s’agissait de "photos privées" et menaçant de poursuites tous ceux qui publieraient le cliché. Le jeune ambassadeur a encore une fois manqué cruellement de sang-froid. Celui auquel les Tunisiens se sont attachés, au point de le surnommer affecteusement "Dégage", n’envisagerait pourtant pas de démissionner. On boira le boillon jusqu’à la lie. Tout cela commence à faire désordre. Pour qu’on parle enfin d’autre chose, organisons rapidement un grand débat sur l’islam.