La scoumoune

Tout ça pour ça ! Voilà ce qui frappe lorsque l'on compare les initiatives déployées par Nicolas Sarkozy depuis le coup de semonce des élections régionales de mars 2010 et la situation dans laquelle il se trouve aujourd'hui : lui au plus bas dans les enquêtes d'opinion malgré les déplacements sur le terrain et son "Face aux Français", sur TF1, dont il se vante encore qu'il ait intéressé 8,2 millions de téléspectateurs ; Marine Le Pen vent en poupe alors que le débat sécuritaire de l'été devait lui rogner les ailes ; le gouvernement de nouveau en sursis parce que les agissements du couple Alliot-Marie - Ollier ont déjà balayé le laborieux remaniement de novembre censé signer la fin des affaires et la promotion des "pros" ; la diplomatie française montrée du doigt alors qu'elle devait être le pilier de l'opération "présidentialisation" menée par l'Elysée et faire prendre de la hauteur au président. Et pour finir, deux électrons libres dans le paysage majoritaire : Dominique de Villepin qui vient de claquer la porte de l'UMP et Jean-Louis Borloo très tenté de le faire depuis son départ du gouvernement, deux pierres dans le jardin du président dont l'obsession est de rassembler la droite, toute la droite, dans la perspective de 2012.

D'où vient cette scoumoune, cette spirale de l'enlisement qui résiste à toutes les initiatives ? De toute une série de raisons conjoncturelles mais d'une fondamentale : l'incapacité de Nicolas Sarkozy à entrer dans ses habits de président. Malgré tous les correctifs annoncés, le quinquennat reste marqué du sceau des débuts : le yacht de Bolloré, la tente de Kadhafi, les ministres inexistants, le premier ministre sous-employé, le président surexposé, l'activisme tous azimuts, fondé sur une bonne connaissance des dossiers mais une consommation immodérée de sondages d'opinion. Et, au final, l'incapacité à fixer un cap, à le tenir, à l'expliquer. Ce qui est vrai en politique intérieure l'est aussi pour les affaires extérieures où la voix présidentielle fait aujourd'hui tellement défaut pour analyser et expliquer aux Français les bouleversements qui marquent le monde arabe.

Cependant, ceux-là mêmes qui taxent Nicolas Sarkozy de mauvais président n'oublient pas qu'il fut, en 2007, un redoutable candidat, à la fois techniquement paré et politiquement sur le fil du rasoir et, finalement, victorieux parce qu'il avait pris tous les risques y compris ceux de la transgression. Ce souvenir de 2007 reste le meilleur atout de Nicolas Sarkozy pour contenir dans les rangs UMP la montée des rivaux et entretenir, ailleurs, la crainte d'un possible rebond. Ceux qui l'ont vu ces jours-ci le trouvent étonnamment bagarreur et mobilisé. C'est tout ce qu'il lui reste mais cela suffit encore à impressionner.
Françoise Fressoz, service France Article paru dans l'édition du 26.02.11