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accueil >> actualités : france >> 8 avr. 2009
FRANCE •  Sarkozy sait suivre le sens du vent
Personne mieux que le président français n'a su s'emporter contre les "banquiers anglo-saxons". Sauf que, à y regarder de plus près, sa politique reste indéniablement libérale – au sens français.
Nicolas Sarkozy lors du sommet du G20
DR
Avant même l'ouverture du sommet du G20 à Londres, Barack Obama fut accueilli par les rodomontades d'un Sarkozy sermonnant les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour leur manque de sérieux en matière de réglementation financière mondiale. On ne s'attendait pas à cela de la part de l'actuel chef de l'Etat français. De tous les présidents qu'a eus la France, Nicolas Sarkozy est le plus franchement américanophile. Il est ce que les Français appellent un "libéral". Son élection fut une victoire de la déréglementation et des principes favorisant l'économie de marché à l'américaine – ou, pour utiliser l'adjectif qu'apprécie tant Sarkozy ces derniers temps, "à l'anglo-saxonne".

Or, depuis le début de la crise financière, Sarkozy cherche à se démarquer des décideurs américains et britanniques, qui sont pourtant ses alter ego idéologiques. D'emblée, et d'ailleurs avec raison, il a accusé les Etats-Unis de l'effondrement économique planétaire, rappelant à qui voulait l'entendre que "la crise n'a pas commencé en Europe, elle a commencé aux Etats-Unis". Et le voilà qui frappe du poing sur la table (métaphoriquement, du moins) et affiche ainsi une position guerrière face au laissez faire de ces irresponsables banquiers anglo-saxons.

Au vu du cabotinage de Sarkozy, on pourrait croire qu'il a connu une subite conversion philosophique. Il n'en est rien. Car on n'a pas affaire ici à un débat politique, mais à la mondialisation de la fureur antibonus. Nous assistons à un concours international : entre les grands dirigeants mondiaux, c'est à qui sera le plus furax contre ces banquiers dont les malversations nous ont plongés dans le désastre économique. Les menaces de Sarkozy de quitter le G20 donnent l'impression d'un abîme idéologique entre lui et ses homologues anglophones, le président des Etats-Unis Barack Obama et le Premier ministre britannique Gordon Brown. Il n'en est rien. Sarkozy appelle à des efforts planétaires contre les paradis fiscaux* (expression qui dégage une impression moins sordide et incroyablement plus séduisante que tax haven). Il assure appeler de ses vœux des restrictions aux rémunérations des banquiers. Et il souhaite que davantage de prérogatives soient confiées à un organisme international pour la réglementation des instruments financiers.

Rien d'inacceptable, a priori, au regard de ce qui se dit sur la scène politique américaine. Les détails des mesures divergent parfois, mais lorsqu'on a suivi les efforts déployés récemment par les Etats-Unis pour mettre au pas la banque suisse UBS, impossible de croire que la position de Washington sur les paradis fiscaux* diffère beaucoup de celle de Sarkozy. Quant à la limitation des rémunérations, nous [aux Etats-Unis] avons désormais un plafond de 500 000 dollars pour les cadres des banques ayant reçu des aides de l'Etat. Enfin, en matière de réglementation des manœuvres financières dangereuses, y a-t-il une seule personne au monde pour affirmer que mieux surveiller les risques financiers mondiaux est inutile ?
Mais l'important est ailleurs : il s'agit de remporter la palme de la colère, et le locataire de l'Elysée montre qu'il est passé maître dans cet art. Qu'il s'agisse de "Wall Street" ou des "financiers anglo-saxons", que vous soyez un sénateur américain ou un président français, le mantra politique du moment est le même : exploitons la colère de l'opinion publique contre la poignée d'imbéciles surpayés responsables de l'effondrement du système financier international.

Certes, c'est bien une poignée d'imbéciles surpayés qui se sont rendus responsable de l'effondrement du système financier international. Les plus indécrottables de ces imbéciles étaient d'ailleurs basés en majorité aux Etats-Unis, mais on soulignera à toutes fins utiles que certaines banques d'affaires françaises, telle la Société Générale, à qui le méchant trader Jérôme Kerviel a réussi à faire perdre 4,9 milliards d'euros, ne sont pas toujours de parfaits modèles de gestion. Reste que les critiques de Sarkozy contre l'imprudence anglo-américaine illustrent à quel point la colère internationale contre les banques sert de bouclier politique aux acteurs politiques et aux décideurs du monde entier, quelle que soit leur appartenance idéologique.

Sarkozy mène une politique de baisse d'impôts modérées et s'attelle progressivement mais sûrement à la réduction du nombre de fonctionnaires et au démantèlement de la protection du travail et des 35 heures de travail hebdomadaire décidées par l'Etat. Et, tandis que le gouvernement Obama prône aux Etats-Unis un gigantesque programme de dépenses publiques (et s'est efforcé au G20 de faire en sorte que l'Europe lui emboîte le pas), Sarkozy campe sur ses positions en matière de relance ainsi que sur son programme de réduction du rôle de l'Etat.

En d'autres termes, les orientations politiques de Sarkozy restent profondément libérales (au sens français du terme). En déchaînant sa colère sur les patrons surpayés de banques et de hedge funds sous-réglementés, Sarkozy rend plus acceptable le reste de son programme. Sarkozy fait la preuve qu'il est l'un des meilleurs acteurs de la politique nouvelle manière. Ses véritables adversaires politiques sont les socialistes français et les syndicats, mais il a choisi pour cible de sa colère affichée les méchants financiers de la planète. Ainsi, alors même qu'il s'efforce de libéraliser son pays, il peut se permettre de taper sur les banques anglo-saxonnes et de faire croire à ses électeurs qu'ils peuvent compter sur lui pour être aussi furieux qu'ils le sont.

* En français dans le texte

Mark Gimein
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