La "face sombre de l'ancien monarque" Sarkozy vue des Hauts-de-Seine

LE MONDE | • Mis à jour le

Patrick Devedjian et Nicolas Sarkozy, en mars 2009.

C'est une petite grenade littéraire qui fait trembler la droite dans les Hauts-de-Seine. Avant même d'être dégoupillée. Elle est programmée pour être lancée à la veille du second tour des législatives : Le Monarque, son fils, son fief (éd. du Moment, juin 2012, 200 p., 18,50 euros), à paraître le 14 juin, est un livre qui ressemble à une mine destinée à sauter au visage de certains élus proches de Nicolas Sarkozy, propre à ébranler l'ancien président lui-même.

Son auteur, Marie-Célie Guillaume, est la plus proche collaboratrice de Patrick Devedjian, le président (UMP) du conseil général des Hauts-de-Seine. Femme du sérail, directrice de son cabinet, dévouée à la défense de son patron, elle retrace les guerres internes qui ont secoué la droite des Hauts-de-Seine depuis 2008. Si les acteurs sont fictifs, les dialogues et les actes sont puisés à la source. Ils mettent en lumière "la face sombre", selon l'auteur, de Nicolas Sarkozy.

LE "MONARQUE" HUMILIE "L'ARMÉNIEN"

L'ouvrage est un roman à clés. Les personnage apparaissent sous de faux noms, mais sont aisément identifiables. Derrière le "monarque" se cache Nicolas Sarkozy ; "l'Arménien" est M. Devedjian. Charles Pasqua est surnommé "Don Léonard", Claude Guéant devient "le préfet Tigellin", Isabelle et Patrick Balkany sont "les Thénardier".

Sous la forme d'une fable politique, Mme Guillaume tire la morale des événements qui ont écorné l'image présidentielle : le fiasco des municipales à Neuilly en 2008, la tentative avortée de Jean Sarkozy de prendre la direction de l'Etablissement public d'aménagement de La Défense (EPAD) en 2009, l'éviction sur intervention de l'Elysée de M. Devedjian de la présidence de la fédération UMP des Hauts-de-Seine en novembre 2010 et pour finir, le psychodrame de sa réélection à la présidence du département, en mars 2011.

Au final, le lecteur retire du récit l'image d'un "monarque" despote et clanique, qui n'a de cesse d'humilier l'"Arménien", coupable à ses yeux d'avoir prétendu "nettoyer les écuries d'Augias" de sa "principauté" des Hauts-de-Seine et d'avoir torpillé la carrière politique naissante du "dauphin" Jean.

Sous le nom de "Baronne", référence au "Baron perché" d'Italo Calvino, qui prend de la hauteur pour supporter la médiocrité du genre humain, la narratrice du livre raconte les coups de colère téléphoniques du "monarque", les complots ourdis par les élus du département pour destituer l'"Arménien". Elle restitue les accusations contre lui des "Thénardier", ses pires ennemis, qui sont aussi les meilleurs amis du "monarque".

Elle rapporte aussi l'agression dont elle a été victime de la part d'un élu baptisé "Cinglé Picrochole". En 2011, Mme Guillaume avait déposé une plainte pour agression contre Patrick Pemezec , le maire (UMP) du Plessis-Robinson.

UN CONTRE-FEU DÉJÀ ALLUMÉ

Au passage, "Baronne" pimente son récit de scènes de genre édifiantes : venue demander une subvention pour le musée de sa ville, une élue se voit soudain soumise par le "monarque" à un caprice sexuel pressant, dans son bureau "au château " avant une remise de Légion d'honneur.

En vendant, à sa façon, la mèche, Mme Guillaume remet le feu au poudres dans la droite des Hauts-de-Seine. Un contre-feu a déjà été allumé, dont elle est la cible. Un libelle anonyme signé "le cardinal de Fleury" circule depuis dix jours sur Internet. Sous le titre "La Pompadour du 92 devrait balayer sous ses crinolines...", le texte l'accuse de disposer d'un hôtel particulier à Boulogne-Billancourt et d'un studio : deux logements de fonction au frais des contribuables dont les loyers sont fort élevés. Elle est également accusée de cumuler "rémunérations et avantages en nature" exorbitants.

Interrogée par Le Monde, Isabelle Balkany, première adjointe (UMP) à Levallois, juge "hallucinatoire qu'un directeur de cabinet se permette un bouquin pseudo-satirique et limite diffamatoire sur des élus d'une collectivité qui l'emploie". Ex-sénateur des Hauts-de-Seine, Charles Pasqua assure que "Devedjian est en train de déclencher un tremblement de terre dont il risque bien d'être la première victime". Quant au maire de Neuilly, Jean-Christophe Fromantin, il estime que, avec ce livre "Devedjian referme le dossier, Pour permettre à d'autres d'écrire une nouvelle page de l'histoire de la droite dans les Hauts-de-Seine".