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Les NOUVeLLes de ROUMANIe Mars 2008

Extrait de http://www.lesnouvellesderoumanie.eu/images/2008-03-01.pdf 

Pages 42 à 44.

Le destin roumain d’un jeune coiffeur doué pour le chant et la peinture

Natif de la région toulousaine, Jean Neyliès ( 1869-1938 ) était devenu le peintre favori de la Cour royale. 

Monté à Paris pour y devenir coiffeur, le gamin issu d'une famille très modeste de Montesquieu-Volvestre (Haute-Garonne) Jean Neylies deviendra l'un des plus grands peintres roumains. Récit d'une histoire sortant de l'ordinaire… où, alors que tant de Roumains ont apporté à la France, dans différents domaines, ce sera l'inverse qui ici se produira. A l'image du médecin-chirurgien Carol Davila, parti de Nantes pour devenir le fondateur de la médecine moderne en Roumanie, un Français va laisser sa marque dans le patrimoine, cette fois-ci culturel, roumain. 

Père paysan, mère couturière 

Jean Neylies est né à Montesquieu-Volvestre, en Haute-Garonne, le 21 décembre 1869, dans une famille très modeste. Son père était un de ces cultivateurs qui labouraient des lopins de terre disséminés dans la campagne et que l'on appelait pour cela "parçonèrs". Sa mère était couturière. 

Les dures conditions de travail, une existence précaire, ont poussé les parents à donner à leur fils un métier qui pourrait lui permettre d'échapper à leur condition. Jean avait révélé très tôt d'excellentes dispositions pour le dessin et la peinture. Mais à Montesquieu et dans les environs, les parents ne voyaient pas de professions correspondant à ses dons. Un oncle possédait à Foix, dans l'Ariège, un salon de coiffure qui le faisait bien vivre. Cet antécédent familial décida les parents. Jean sera coiffeur. Monsieur Rougé, leur ami et coiffeur de son état, accepte de le prendre en apprentissage. Combien de temps dura cet apprentissage ? 

Pierre Lattes, dans une de ses chroniques raconte que: "le jeune Jean Neylies, sa formation professionnelle terminée, monta à Paris pour acquérir la maîtrise dans son métier". Elie Abeille et Henri Ménard dans Histoire de Montesquieu-Volvestre donnent la date de 1888 pour ce départ à Paris. Or, Jean Neylies exécute en 1887 et 1888 des copies de grands maîtres, Rubens et Murillo, qui sont exposées dans l'église Saint- Victor de Montesquieu. 

Rencontre décisive au Louvre avec le neurologue roumain Georges Marinescu 

Jean Neylies fut-il un temps coiffeur à Paris ? Peut-être… Mais toujours animé de goût artistique, il abandonne bien vite les outils du barbier pour s'inscrire à l'école des Beaux-Arts sur les conseils et avec le soutien d'un étranger. Au Musée du Louvre, il avait attiré l'attention de Georges Marinescu par ses dons exceptionnels pour le dessin et le maniement des couleurs. 

Le savant neurologue roumain, qui s'était lié d'amitié avec lui, le fit entrer dans l'atelier de Jean-Léon Gérôme, peintre officiel, professeur connu pour son souci du détail objectif et son goût du fini, que l'on retrouve dans les tableaux de Neylies. La coiffure ? Elle est bien loin de ses préoccupations d'autant plus que notre nouveau parisien s'inscrit aussi au Conservatoire de Musique ! 

Tudor Octavian écrit dans son ouvrage Peintres oubliés roumains (Ndlr: malheureusement disponible uniquement en roumain) qu'"à cette époque la peinture et la musique s'apprenaient avec un sentiment de complémentarité". Nous ne savons rien de son passage au Conservatoire. Par contre, il acquiert à l'école des Beaux-Arts une formation académique rigoureuse. Il participe à la vie artistique de la capitale et expose dans les salons officiels. Le temps des vaches maigres et la vie de bohème ne sont qu'un mauvais souvenir. Sa vie matérielle est assurée par son travail dans l'atelier de Gérôme. Il profite aussi des largesses du professeur Marinescu dont il illustre le traité de neurologie. Il est autorisé à concourir avec La légende de Maître Manole au prestigieux prix de Rome et obtient pour cette oeuvre le prix Chenavard aux Beaux-Arts. 

Commandes de la Reine Marie pour décorer les résidences royales 

Nous sommes en 1897. A 28 ans, Jean Neylies, marié à Marie-Josèphe Eolet, mannequin et modèle à Paris, quitte l'atelier de Gérôme et la France pour suivre en Roumanie le professeur Marinescu. Celui-ci l'installe dans son logement de fonction à l'hôpital Colentina de Bucarest. Il l'introduit dans les milieux artistiques et mondains. La Reine Marie lui commande fresques et tableaux pour décorer les résidences royales. Jean Neylies est appelé à l'Ecole Nationale de Bucarest au titre de conseiller et enseignant. Il participe aux manifestations organisées par la Jeunesse Artistique. L'exposition de ses oeuvres qu'il organise en 1903 à Bucarest reçoit un accueil élogieux de la critique. Ce sont pour lui et son épouse de grandes années de belle vie roumaine.

Retour en France et désillusions 

Les meilleures choses ont une fin. En 1914 Jean Neylies et son épouse retournent en France. Est-ce la déclaration de guerre ou une simple nostalgie ou la jalousie de ses pairs qui provoque cette décision? Ce qu'il n'a pas perdu cependant, c'est l'estime de la Maison Royale de Roumanie qui lui accorde une pension annuelle à la condition de se déplacer chaque année pour la recevoir. C'est ainsi que Jean Neylies redevenu montesquivien achète une maison à laquelle il ajoute un atelier. Il y préparait une collection de tableaux et organisait tous les ans à Bucarest une exposition très attendue et payée d'un succès total. Cela dura plusieurs années. Puis des difficultés apparurent: moins d'expositions possibles, une pension de plus plus aléatoire. Alors il peint pour la population locale. Découragés, déçus, les Neylies se voient obligés à un train de vie restreint. La santé du peintre s'altère. Le 23 juillet 1938, à 68 ans il meurt presque brutalement dans sa maison de Montesquieu très peu de temps après la perte de son ami Georges Marinescu.

 Son épouse lui survécut de nombreuses années et finit ses jours à 95 ans dans un complet dénuement. Ainsi pourrait se résumer la vie de ce peintre atypique sur laquelle le docteur bucarestois Constantin Bogdan a fait des recherches et écrit un article pathétique: "le destin roumain de l'Étranger". Une certitude cependant, d'après Tudor Octavian: "un bon tableau de Jean Neylies doit impérativement faire partie de toute collection sérieuse concernant les premières décennies du XX ème siècle." Céleste Cazaux et André Berthoumieu

  (Céleste Cazaux et André Berthoumieu)

Peintre des humbles et des paysans

Jean Neylies (1869-1938, prononcer Neylis) fait partie des "peintres roumains oubliés" à qui Tudor Octavian rend hommage dans son ouvrage paru en Roumanie en 2003. D'origine paysanne, le Français roumanisé se montra très sensible aux scènes bucoliques, aux fêtes champêtres, aux paysages grandioses. Sa peinture, très académique, peut paraître aller à contre sens de l'extraordinaire bouleversement que connût cet art dans ce début du vingtième siècle. Disciple de Courbet et ancien élève de Gérôme, il jeta un regard tendre vers la réalité. Cette sorte de "vérisme" fait de lui un peintre des humbles, des paysans. Les couleurs franches, les contrastes, les touches grasses confèrent à ses tableaux une grande force affective, spirituelle pour certains. Tudor Octavian dit que "ses toiles, surtout les petites, semblent des fragments d'un panorama de la société roumaine" avec "une perception moins conventionnelle que celle de Grigorescu". Arrivé en Roumanie dix ans avant la mort du grand peintre, véritable monument national pour ses compatriotes, Jean Neylies fait partie de ses successeurs à qui Grigorescu a offert l'occasion de continuer et d'approfondir l'art d'une peinture nouvelle, comme "une exclamation d'étonnement devant la nature et la lumière". 

A Montesquieu-Volvestre 

Peu de gens savent que l'enfant du pays était célèbre en Roumanie

A Montesquieu-Volvestre, village natal de Jean Neylies, situé à 70 km au sud de Toulouse et tout proche de l'Ariège, deux biographies de chroniqueurs locaux des années 70 rendent hommage au peintre. Avec le soutien de l'Office de Tourisme de cette charmante bourgade de 2500 âmes, une équipe d'habitants regroupée au sein du Comité Volvestre-Roumanie s'active pour donner enfin la place qu'il mérite au prodigieux enfant du pays. Certains ont connu l'artiste dans les dernières années de sa vie mais les témoins vivants se raréfient au cours des ans. Trois d'entre-eux témoignent. Madame Boué (Belle-soeur de Louis Higounenc, neveu du peintre, prématurément décédé) parle de lui avec tendresse et nostalgie: "J'étais jeune dans les années trente quand je l'ai connu. Il repartait souvent en Roumanie avec sa femme et aurait aimé que je les accompagne pour découvrir les fastes de Bucarest.

Quand il revenait en vacances à Montesquieu, il menait une vie saine, campagnarde. Il pratiquait la pêche et pique-niquait souvent l'été, en famille ou avec de rares amis d'enfance sur les bords de l'Arize, tout près de son domicile. Il peignait beaucoup dans l'atelier très lumineux avec vue sur le Pont, sur la rivière qu'il aimait tant et sur le jardin. Il y accumulait les tableaux qu'il offrait souvent en paiement de services. A sa mort et plus encore à celle de Madame Neylies de nombreuses oeuvres furent vendues aux enchères". 

Madame Commenge fut dans sa jeunesse la voisine du peintre: "Quand il était à Montesquieu il allait souvent à la pêche et le reste du temps on pouvait le voir au premier étage de son atelier, derrière la grande baie vitrée, occupé à manier ses pinceaux. En raison de sa grande discrétion, la population de Montesquieu le prenait pour un original. Elle ignorait qu'il avait fait les Beaux-arts et qu'il était célèbre en Roumanie. A sa mort la maison fut vidée d'une grande partie des meubles et des tableaux". Madame et Monsieur Duffau, propriétaires actuels de la maison du peintre racontent: "en 1964 après la mort de Madame Neylies, nos parents ont acheté aux enchères la maison du couple qui n'avait pas d'héritiers. Elle était dans un état de délabrement avancé. L'atelier, de construction plus récente, nous l'avons conservé en l'état. Nous y avons retrouvé des passeports de M. Neylies qui témoignent de séjours en Roumanie, chez des amis, jusqu'en 1937, un an avant sa mort. Nous sommes de plus en plus conscients que ses murs ont abrité un personnage hors du commun".

Son village natal veut reconstituer sa vie et son oeuvre

La Roumanie semble conserver au peintre une considération solide: l'hommage de critiques d'art en témoigne ainsi que la présence de plusieurs oeuvres au Musée d'Art Moderne de Bucarest et dans des collections privées. Il est quasiment inconnu en France où à peine une douzaine de tableaux ont été recensés sur place. 

L'Office de Tourisme de Montesquieu-Volvestre et le Comité Volvestre Roumanie, désireux de rendre hommage à ce grand artiste, sont à la recherche de documents et d'œuvres "égarées" pour réaliser une exposition. Ils s'adressent à tous ceux qui pourraient aider à reconstituer la vie et l'œuvre de l'artiste: 

"Chers lecteurs, nous comptons sur vous ! S'il vous plait adressez-nous vos informations. 

Voici nos coordonnées: Office de Tourisme, 20 Place de la Halle 31310 Montesquieu-Volvestre 

email: ot.montesquieu@wanadoo.fr     Tel : 05.61.90.19.55      Fax : 05.61.90.19.55 

Céleste Cazaux : 05.61.90.44.51

Extrait  de http://www.lesnouvellesderoumanie.eu/images/2008-03-01.pdf , pages 42 à 44.

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