Eh bien oui! C’en est fait des formules anciennes,
Et l’Algerie devient Algerie Algerienne.
Assez de colonies, et nous ne voulons pas
Voir se perpétuer « l’Algerie de PAPA ».
La roue tourne morbleu ! La vie est la plus forte.
Puisque Papa est mort, son Algerie est morte.
Le progrès est en marche; emboîtons lui le pas!
Si on disait, quand même, un peu « merci » à Papa !
On dit qu’il n’a pas fait tout ce qu’il eût dû faire.
C’est possible; après tout, nul n’est parfait sur terre.
Et pourtant, si Papa n’était jamais venu;
Où serait l’Algerie; chers messieurs de l’O.N.U.
Car avant que Papa n’invente l’Algerie,
La contrée s’appelait vaguement « BARBARIE »…
Souviens-toi, Mohammed! On y crevait de faim!…
Il me semble, à présent, qu’on s’y porte assez bien.
« Merci Papa «
Les gosses mouraient comme des mouches.
Or, Fatma, de nos jours, sait comment on accouche.
« Merci Papa »…Sans lui, cette population
N’aurait pas augmenté, je pense, par millions.
Te souvient-il des oueds où buvaient quatre chèvres
Et de ces grands marais où l’on crevait de fièvres ?
Regarde le jardin nommé « Mitidja »!
« Merci Papa! Merci Papa! Merci Papa! »
C’est lui qui vint bâtir ces villages, ces villes,
Et de l’école, aussi, t’apprit l’usage.
Il n’y a pas d’école partout!
Peut-être, mais avant, il n’y en avait pas du tout.
Au temps d’Abd-el-Kader les universitaires
N’existaient pas sur cette terre,
Et si Papa, toujours, n’avait pas mis du sien
Monsieur Ferhat Abbas serait-il pharmacien ?
Monsieur Ferhat Abbas, s’il n’était pas mort de fièvre
Irait pieds nus, sans doute, et garderait les chèvres
Je suis ravi qu’il soit habillé, comme moi.
Mais un peu de pudeur ! Un peu de bonne foi !
Etre civilisé comprend la politesse.
Savoir dire « Merci » n’est pas une bassesse.
Et si Papa n’est point toujours parfait,
Est-ce une raison pour oublier ce qu’il a fait ?
L’Algerie de Papa recule dans l’Histoire.
Admettons; mais Papa ne s’en va pas sans gloire…
Et si toi, Mohammed, quand il est arrivé;
Tu ne te nourrissait que des fruits du palmier;
Les temps ayant changé, maintenant que tu manges
De la viande et du pain, sans compter les oranges.
Et puisqu’il est question de partager tout çà
Avec les héritiers de ce bon vieux Papa.
Crois-tu que ce serait bien délicat
DE NE LEUR LAISSER QUE… DES DATTES?
Pierre-Jean VAILLARD. (Théâtre des 3 Baudets)
|