"Un
bon bâilleur en fait bâiller
deux", prétend le dicton...
Le
rôle du bâillement n'étant pas mieux compris que sa communication, on
nage dans un océan d'incertitudes, ce qui est intolérable pour tout
scientifique normalement constitué. Une équipe européenne a donc
craqué et produit une étude qui, le 29 septembre, a reçu un Ig Nobel,
prix parodique destiné à distinguer les plus improbables des
recherches.
L'article
en question venait d'être publié dans le numéro d'août de la revue
Current Zoology mais, au regard des sommets d'improbablologie qu'il
atteint, il eût été injuste de ne pas le récompenser illico presto.
Ses auteurs sont partis du principe que si le bâillement était
contagieux chez une espèce dont les capacités cérébrales restreintes
n'autorisent ni le mimétisme ni l'empathie, la première hypothèse
serait validée...
La
tortue charbonnière à pattes rouges a été choisie. Ce reptile se
repose beaucoup sur son système visuel et il bâille en adoptant une
posture qui ne peut être confondue avec aucune autre : bouche grande
ouverte, tête en arrière, cou étiré.L'expérience consistait à faire
bâiller une tortue en face d'une autre et à vérifier si la congénère
se mettait à bâiller à son tour au cours des minutes suivantes. Le hic,
c'est que ces animaux ne bâillent pas sur commande. Les chercheurs ont
donc dû former Alexandra, une demoiselle tortue, grâce à un système de
récompenses. Cela a pris six mois.
On
imagine le dialogue dans la cour de récréation. Et ton papa, il fait
quoi ? Il est scientifique mon papa, il apprend à bâiller à une
tortue...
En
la mettant en présence d'autres tortues. Alors oui, il arriva à
certaines de bâiller en retour, mais pas plus que d'ordinaire. Peut-être
une manière de dire : "Je m'ennuie. Quand s'arrête cette
expérience parce qu'il y a bientôt un épisode des Tortues Ninjas à la
télé ?"...
Pierre
Barthélémy (extraits) |