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Petru Dumitriu Petru Dumitriu est né en Roumanie en 1924 et mort à Metz en 2002. Écrivain déjà célèbre dans son pays, il choisit la liberté en 1960. Il est l'auteur d'une œuvre très importante, écrite en roumain, en français et en allemand: romans, théâtre, essais, traduits dans de nombreux pays.
"Incognito" est l'extraordinaire récit d'une aventure intérieure, dans les tourbillons de l'histoire: une histoire roumaine - une histoire humaine. Petru Dumitriu nous entraîne aux côtés de Sébastien Ionesco sur les rives enchanteresses du Danube, puis dans les horreurs de la guerre et les passions révolutionnaires... Sur les marches du pouvoir, refusant le mensonge et l'imposture, Sébastien choisit le suicide social et politique pour mieux se retrouver: après une désespérante dégringolade jusqu'au fond des prisons et des camps de rééducation, il découvre la foi et le courage de résister. Incognito retrace le parcours initiatique d'un saint sans Église, sans credo, sans auréole, perdu dans la foule muette des opprimés, et signe la victoire de l'homme sur la terreur totalitaire, sur le mal et la souffrance: un vibrant message d'espoir.
L'histoire se déroule sur plusieurs plans de narration. Dans une première partie on découvre la Roumanie de la démocratie populaire sous la férule du parti unique, à l'heure du spoutnik, des délations et des pires méthodes staliniennes. Le narrateur, qui travaille dans un ministère, raconte les événements qui ont précédé son départ en exil. Il se voit alors confier par son supérieur la mission d'enquêter sur un certain Sébastien Ionesco, un ancien officier, qui a eu des postes importants dans le nouveau régime avant de tomber en disgrâce. Ravalé au rang de garde-magasin, il suscite encore l'ire du pouvoir qui le suspecte de comploter. C'est avec une sorte de dégoût que le narrateur se met à la tâche, réalisant bientôt que les parents de l'infortuné, sa femme et sa fille ont déjà été arrêtés. Oscillant entre retours en arrière et récit dans le présent, le livre sera une tentative de recomposer l'itinéraire d'un homme, de sa jeunesse dans un milieu ouvert et cultivé à ses tribulations au pays des nouveaux Dracula du "socialisme réel". Le lecteur est emporté dans une espèce de torrent de personnages, de lumières et ténèbres de l'époque. Encore un roman, direz-vous, sur le totalitarisme, le cynisme et la perfidie. Certes, mais avec Petru Dumitriu, le lecteur est emporté dans une espèce de torrent brassant les thèmes clés de l'histoire, de l'éros et de la philosophie. Les invariants mêmes de la condition humaine. L'écrivain saisit ses personnages, les met en mouvement en recréant les lumières et les ténèbres de l'époque comme pour mieux éviter le piège du commentaire et de la logorrhée. Dumitriu est un créateur d'atmosphère. On le perçoit d'emblée à sa manière de décrire la somptueuse maison délabrée dans laquelle vivent les parents de Sébastien avant leur arrestation. Ils sont terrés là lui dans ses pantalons fripés, trop larges, elle avec ses yeux noirs et brûlants de Clytémnestre, tout son visage parcheminé de beauté fanée. A l'image des restes de splendeur de ce décor taillé en pièces pour servir d'appartements communautaires empestant la choucroute. Tout un symbole. Le choc est d'autant plus grand qu'on verra plus tard, au cours d'un long flash- back, les Ionesco dans leur villégiature danubienne d'avant-guerre. Cette fois, c'est Sébastien lui-même qui est le narrateur pour restituer les charmes d'une adolescence frivole passée entre ses frères et sa sœur, la troublante Valentine. Échos d'un autre monde, d'une certaine douceur de vivre le long des rives de l'immense fleuve plat et étincelant. Premiers émois, pressentiment des délices et des gouffres de la sexualité. Agacement aussi envers un frère aîné brillant, provocateur, à la désinvolture ambiguë... Alain Fauvarger (La Liberté - Suisse), extraits, reprits dans Les Nouvelles de Roumanie
En 2005, les Éditions du Seuil ont republié L'Homme aux yeux gris.
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