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Virgil Gheorghiu.

Constantin Virgil Gheorghiu est un écrivain roumain, prêtre et fils de prêtres, né le 15 septembre 1916 à Valea Albă, en Moldavie, dans le nord de la Roumanie, et est mort en 1992 en France.

 

Ancien diplomate roumain de 1942 à 1943, sous le régime fasciste du général Antonescu, il est arrêté à la fin de la Seconde Guerre Mondiale par les autorités américaines. Durant cette captivité, il écrit son oeuvre majeure, publiée en 1949, « La vingt-cinquième heure ». En 1967, Henri Verneuil réalisera le film tiré de cette oeuvre, avec  Serge Reggiani dans le rôle du fils du prêtre, celui qui prend conscience que la 25ème heure est arrivée.

LE PEUPLE DES IMMORTELS

Ce livre veut ressusciter le passé de son pays, avec le désir d'expliquer le caractère de la Roumanie par le mélange des civilisations qui l'ont, au cours des siècles, édifiée: « Je cherche ma patrie avec la même insistance que la lumière, l'eau et l'air et puisque je ne la retrouve plus, je reconstitue ma patrie. afin de l'avoir ici avec moi, parce qu'elle est nécessaire à ma vie. »

Avec une puissance de visionnaire C. V. Gheorghiu anime les périodes archaïques où Romains et Scythes entrèrent en contact dans la contrée qui correspondait à ce qui est aujourd'hui la Roumanie: c'est là, dans le « pays rond du Danube » que les ancêtres des Roumains actuels, les Daces, résistèrent longtemps à toutes les tentatives de conquête ou d'annexion. L'auteur relate l'histoire de ce peuple qui semble avoir atteint un degré de civilisation avancé: peuple guerrier mais ne massacrant jamais les prisonniers; peuple « juste et intelligent» aux dires des historiens anciens, uni autour de son roi toujours choisi dans la classe des sages, peuple religieux enfin, croyant à l'immortalité de l'âme plusieurs siècles avant le christianisme. Appelés pour cette raison le « peuple des immortels », les Daces furent finalement vaincus et colonisés par les Romains, mais leur doctrine religieuse, due à leur chef spirituel Zamolxis, se maintiendra intacte jusqu'à ce que les esclaves chrétiens envoyés par Rome dans les mines de Dacie introduisent le christianisme, leur confirmant ainsi l'immortalité. 

Et soulignant les analogies entre les Daces et les Roumains, C. V. Gheorghiu a pu écrire: « Nos ancêtres luttèrent toute leur vie pour ne pas perdre l'éternité. » 

La cravache (1960, Plon)

Le nouveau roman de Gheorghiu élève au niveau de l'épopée un épisode peu connu de l'histoire contemporaine, à savoir le brusque renversement des alliances qui, en pleine deuxième guerre, livra la Roumanie à l'envahisseur soviétique.

Le machiavélisme de certains dirigeants, le désarroi et le désespoir du peuple, le déchaînement des appétits et des vengeances personnelles, baignent ici dans une atmosphère de religiosité et d'humanité pathétiques, que soutient un lyrisme toujours attentif aux réalités quotidiennes, proche de la vie et de la terre. Pour ces raisons, le récit mené sur plusieurs

plans fait entendre un accent particulier, à la fois hautain et déchirant, qui en impose les candeurs, en légitime les audaces, relie l'événement central et tous les menus événements qu'il contient à un drame beaucoup plus large, beaucoup plus profond, qui est le drame de l'homme dans la société, celle-ci privant celui-là de la noblesse que lui confère le contact direct avec la nature.

A cette interprétation philosophique, qui demeure à l'arrière-plan, inexprimée, s'ajoute un documentaire passionnant, déposition d'un témoin oculaire sur l'une des mille tragédies qui accompagnèrent l'effondrement du monde balkanique, à l’issue de la dernière guerre. L'auteur de La Vingt-cinquième heure, en écrivant ce livre où le burlesque le dispute au tragique, est parvenu à la pleine maîtrise de son talent. Son œuvre devient une sorte de tapisserie du vingtième siècle et lui donne la plus grande chance de demeurer parmi les témoins les plus lucides du drame humain de leur temps.

De la 25ème heure à l'heure éternelle.

Après avoir longtemps puisé son inspiration aux sources de son enfance et de sa jeunesse, un écrivain en vient presque toujours à rejeter toute fiction pour livrer, dans leur nue vérité, ce que furent ses années d'apprentissage. Ce moment semble venu pour Constant Virgil Gheorghiu, auteur de plusieurs biographies et de dix romans dont La vingt-cinquième heure. Peut-être sa récente ordination comme prêtre orthodoxe et sa décision d'écrire directement ses ouvrages en langue française ont-elles contribué à la maturation du présent recueil de souvenirs.

Le père de Constant-Virgil Gheorghiu était prêtre d'une paroisse de deux cents âmes éparpillées sur trente kilomètres de vallée en Moldavie, sur le versant oriental des Carpathes. Ces hommes et ces femmes étaient les descendants d'un peuple tout entier tourné vers

le ciel. Ils s'appelaient eux-mêmes les « Immortels » et ce sont eux qui devaient un jour inspirer à l'écrivain Gheorghiu le thème de son roman le plus émouvant: Les Immortels d'Agapia. Mais le petit Constant fut profondément déconcerté le jour où il découvrit que son père appelait tous les habitants de la vallée ses fils et ses filles. Pourtant la révélation des mystères de la religion va illuminer sa vie et faire de son enfance « une grande idylle théologique ». Et lorsque le narrateur devenu adolescent se tournera vers les lettres, il n'aura pas le sentiment de changer de climat, car « dans l'Eglise orthodoxe il n'y a pas de frontière entre la poésie et la prière », qui sont deux façons de communier avec les choses éternelles.

Pourquoi m'a-t-on appelé Virgil ?

Ce n'est pas un roman. Pourtant on tourne les pages de ce récit autobiographique avec avidité pour en connaître le dénouement.

Chez les Roumains l’anniversaire ne se commémore pas le jour de la naissance, mais le jour de la fête du saint patron. On rappelle la fête  onomastique. Encore faut-il avoir pour prénom celui d'un saint du calendrier...

« Pourquoi m'a-t-on appelé Virgil? » se demande l'auteur dès son plus jeune âge en s'apercevant qu'aucun saint ne porte son nom de baptême.

Et, dès lors, il rêve de devenir un saint afin de corriger ce grave oubli dans le calendrier. Que faut-il faire pour devenir un saint? demande-t-il à son père. Il faut aimer ses ennemis. Afin que les enfants à venir prénommés Virgil ne soient pas privés de fête onomastique, le jeune Virgil Gheorghiu, à l'âge de sept ans, décide de devenir un saint.

Pour cela il lui faut un ennemi. Il n'en a pas.

Viendra le tueur de Jérusalem qui pénètre, de nuit, dans la maison, vole l'argent appartenant à la coopérative communale et blesse gravement le père de Virgil Gheorghiu. Il s'enfuit. Peu de temps après éclate une épidémie dans le village. Le jeune garçon est envoyé dans le hameau voisin chez son grand-père où, un soir, surgira pour s'y réfugier le tueur de Jérusalem...

Dans ce beau livre, Virgil Gheorghiu parvient à un merveilleux mélange de suspens, de poésie et de haute spiritualité. Sous le prétexte de raconter une enfance on fait connaissance avec le peuple roumain, avec ‘les mangeurs de maïs’. Pour relater l'aventure du père de Virgil Gheorghiu et de l'attentat dont il a été la victime, on vit un roman policier.  

Autres romans remarquables qui dépeignent bien l'âme roumaine : Les immortels d'Agapia et Le meutre de Kyralessa  (1966, Plon)...