Voyage
en Sélénie
Des années – lumière d’un trajet chaotique nous font atterrir enfin,
et par l’artère principale, la voie Astrale, dans un lieu loin de
tout repère : la Sélénie Occidentale.
Une végétation luxuriante, qu’un tableau du douanier
Rousseau ne saurait assez dépeindre, une chaleur aussi bienfaisante
qu’enveloppante et des paysages éclatants achèvent de vous souhaiter
la bienvenue dans ce lieu enchanteur.
La découverte de la Sélénie occidentale est très récente,
ce qui explique la quasi absence de guides ou cartes sur ce pays. Ou plutôt
devrais – je dire sur cette contrée.
Les similitudes avec notre pays sont suffisamment rares pour
être signalées, mais n’altèrent nullement le dépaysement que l’on
peut ressentir dès que l’on foule le sol sélénite.
Mais tout d’abord une précaution à prendre pour tous ceux qui
seraient tentés par l’aventure sélénite : n’oubliez pas de vous
munir de poussières d’étoiles. En effet, celles-ci servent de monnaie
d’échange. D’ailleurs les Sélénites s’ouvrent doucement mais sûrement
à la société de consommation et découvrent un de ses désavantages
qui est celui de jeter l’argent par les fenêtres. Chose qui
n’est pas pour déplaire aux terriens que nous sommes car c’est bien
pour cette seule raison que nous pouvons parfois observer en plein mois
d’août une voûte étoilée de milliers d’objets.
Ici, pas de barrières. Notamment, celle de la langue bien sûr car
le Sélénite est polyglotte. Il s’adapte aussitôt à son interlocuteur
pour lui répondre dans sa langue d’origine. Entre eux, cependant, les sélénites
parlent l’astérinois, une langue composée essentiellement d’onomatopées
mais dont la syntaxe et le vocabulaire, incompréhensibles pour le néophyte,
sont pourtant d’une grande richesse.
En Sélénie, le climat est chaud et sec toute l’année aussi,
que vous décidiez de partir seul, en groupe, à l’hôtel ou chez
l’habitant, vous aurez toutes les chances d’être logé dans ce type
d’habitat local constitué de briques …et de broc permettant de
conserver un peu de fraîcheur dans la maison, mais néanmoins ouvert sur
le toit permettant d’admirer la voute céleste. Ne soyez pas surpris si
vos matelas s’illuminent sitôt la lumière éteinte. Ils sont remplis
de poussières d’étoiles. Cette caractéristique est dûe à une
croyance ancestrale selon laquelle, dormir sur son argent le ferait
fructifier. A défaut d’avoir les résultats escomptés, cette pratique
est, encore à l’heure actuelle, très en vigueur et reste cependant,
pour l’hôte de passage, la promesse d’une nuit féerique et
enchanteresse….
La Sélénie occidentale est un pays dont on commence à peine à
entrevoir les richesses : richesses des sols, gaz, pierres, cultures et
notamment la culture d’étoiles. En effet, une bonne partie des revenus
de ce pays provient, du tissage. Cette activité ancestrale
traditionnellement exclusivement féminine, mais qui tend à s’étendre
aux hommes, connaît un succès grandissant auprès des touristes et a
tout naturellement trouvé sa place sur les achalandages des marchés
locaux, déjà très colorés.
Les femmes sélectionnent des étoiles dès leur naissance, les
enferment une à une dans des bocaux de verre puis les nourrissent de gaz
en attendant leur maturité. Les principales catégories d’étoiles
utilisées pour le tissage sont la Novae Angorae et l’Asteribus Mohairus,
très appréciées pour la qualité de leur fil et leur durée de vie
relativement courte.
Lorsqu’une étoile meurt, elle est mise à dégorger dans
un bain d’eau froide pour en extraire délicatement le fil. Vient
ensuite le moment pour ces doigts de fée d’entrer en action, de tisser
ce fil étoilé, sans le perdre bien sûr …
Des ateliers de tissage sont d’ailleurs ouverts aux touristes désireux
de s’initier à cet artisanat.
A présent, un bref aperçu culturel, que vous aurez la possibilité
d’approfondir par une visite au musée d’histoire et d’archéologie
de la principale ville. Sachez que Sélénée, qui est à
l’origine du nom de ce pays, fait en cette province l’objet d’un véritable
culte.
Ici pas d’églises, de temples, ni d’autres édifices religieux
au sens où nous pouvons l’entendre mais des « sites de célébration
», comme il est de coutume de les appeler, que vous pouvez d’ailleurs
visiter hors période de « fêtes ».
Ce culte a bien évidemment des conséquences sur le
calendrier. Sachez d’abord que tous les jours précédant les nuits de
pleine lune, sont décrétés fériés. Aussi, inutile de prétendre faire
vos achats ou visites ces jours là, vous trouverez partout porte close.
Ces nuits de pleine lune sont l’occasion de grandes fêtes familiales,
retrouvailles, qui se déroulent à l’abri des regards extérieurs.
Mais pour qui a l’occasion de se rendre en Sélénie, un jour
d’éclipse du soleil, il assiste alors à d’incroyables festivités.
Ce trop court moment où Sélénée triomphe du soleil donne lieu
à des préparatifs aussi minutieux que frénétiques, qui débutent bien
des mois auparavant. Les Sélénites, hommes et femmes, préparent
amoureusement et secrètement la tenue qu’ils exhiberont lors des
nombreux défilés qui ont lieu les heures précédant l’éclipse. Une
marée humaine chatoyante, scintillante, envahit les voies, les vallées,
les villages. Des dizaines de cortèges serpentant au rythme de la
zambouna, percussion locale faite de peau animale et d’os, ou d’ivoire
pour les plus fortunés. Le paroxysme de cette célébration étant bien sûr
les rassemblements sur les divers sites de célébration plongeant
hommes et femmes dans la transe d’une danse lunaire rituelle, véritable
appel à Sélénée. Soudain l’obscurité est totale. Le silence ne
l’est pas moins. Chacun, sélénite ou non, est plongé dans la
contemplation de cette rencontre, les souffles sont suspendus,… le temps
se fige…
Ce moment est tout naturellement suivi de réjouissances
gastronomiques propices à l’échange d’impressions, à des démonstrations
et chants en hommage à Sélénée qui se retire déjà.
Vous aurez peut – être la chance, lors de ces libations de
pouvoir goûter à l’alcool local, qui si vous en abusez vous fera voir
trente-six étoiles….euh .. chandelles pardon !!
Tant à dire encore sur la Sélénie occidentale, ce qui nécessiterait
autant de voyages en cette contrée.
D’ailleurs quiconque revient d’un tel voyage a ramené comme un
éclat particulier au fond des prunelles et en est resté un peu …dans
la lune .
Estelle etoile_h78@yahoo.fr
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