|
|
(52) Après 1789, 2009 ?... Le désir de lois protectrices est au fondement du désir de droit. Le gouvernement joue avec le feu en refusant de traduire dans les faits cette demande populaire. Elle incarne un mode spécifique de la souveraineté en France : la souveraineté en actes. La disqualifier au nom de la seule démocratie représentative, c'est fragiliser encore davantage un pacte social d'unité déjà exsangue. En effet, plus on s'éloigne de l'élection présidentielle, et plus la nécessité pour un président de la République de représenter le pays tout entier, réuni après la division électorale, semble négligée, voire méprisée. Loin de tenir compte des attentes du camp adverse, notre gouvernement n'a pas non plus tenu compte de son propre camp, à qui il avait promis un meilleur niveau de vie. Aujourd'hui, la crise s'installe. Les effets sociaux et politiques du bouclier fiscal sont devenus lisibles. On assiste à une volonté de réformer le système éducatif français sans concertation et les réformes sont vécues comme des démantèlements purs et simples. Une dette d'honneur et de vie pourrait opposer frontalement deux groupes sociaux antagonistes et diviser profondément la société. Dette d'honneur, car l'électorat a été trompé par un usage sans vergogne du registre démagogique et que, maintenant, il le sait. "Dette d'honneur", car le refus de concertation prend appui sur la valeur supposée des résultats électoraux en démocratie. Effectivement, Nicolas Sarkozy a été bien élu, et la valeur donnée au rituel se retourne contre ceux mêmes qui y ont cru, dans toutes les catégories sociales révoltées. Enfin, "dette de vie", car aujourd'hui le travail et l'éducation nationale sont vécus comme des "points de vie" qui semblent disparaître sans que les plus riches semblent s'en soucier, avouant une absence totale de solidarité dans la crise. Le mot d'ordre qui circule "nous ne paierons pas votre crise" met en évidence cette division sociale entre un "nous", les opprimés, et un "vous", les oppresseurs... le "nous" des opprimés n'est pas constitué uniquement des précaires, chômeurs, ou futurs chômeurs, il est constitué des classes moyennes qui sont précarisées, des classes lettrées qui manifestent et se mettent en grève pour défendre une certaine conception de l'université et des savoirs. Il est constitué de tous ceux qui, finalement, se sentent floués et réclament "justice". A ce titre, les mouvements sociaux de cet hiver et de ce printemps sont déjà dans la tentation naturelle de refaire 1793. Ils veulent plus de justice et pour l'obtenir affirment que, malgré les résultats électoraux, ils incarnent le souverain légitime...Le pacte de la juste répartition des richesses prélevées par l'État semble avoir volé en éclats quand les montants des chèques donnés aux nouveaux bénéficiaires du paquet fiscal ont été connus : les 834 contribuables les plus riches (patrimoine de plus de 15,5 millions d'euros) ont touché chacun un chèque moyen de 368 261 euros du fisc, "soit l'équivalent de trente années de smic". Une dette de vies. Lorsque Jérôme Cahuzac, député du Lot-et-Garonne, affirme qu'il est "regrettable que le gouvernement et sa majorité soient plus attentifs au sort de quelques centaines de Français plutôt qu'aux millions d'entre eux qui viennent de manifester pour une meilleure justice sociale", il retrouve en effet le langage révolutionnaire. Ainsi le cahier de doléances [de 1789] du Mesnil-Saint-Germain (actuellement en Essonne) affirme : "La vie des pauvres doit être plus sacrée qu'une partie de la propriété des riches." Certains, même à droite, semblent en avoir une conscience claire quand ils réclament, effectivement, qu'on légifère contre les bonus, les stock-options et les parachutes dorés. Ils ressemblent à un Roederer qui, le 20 juin 1792, rappelle que le bon représentant doit savoir retenir la violence plutôt que l'attiser. Si le gouvernement est un "M. Veto" face à ces lois attendues, s'il poursuit des politiques publiques déstabilisatrices, alors la configuration sera celle d'une demande de justice dans une société divisée, la justice s'appelle alors vengeance publique "qui vise à épurer cette dette d'honneur et de vie. Malheureuse et terrible situation que celle où le caractère d'un peuple naturellement bon et généreux est contraint de se livrer à de pareilles vengeances". Sophie Wahnich - Historienne, Chercheuse au CNRS-Laboratoire d'anthropologie des institutions et des organisations sociales (Laios-IIac), auteur de nombreux ouvrages sur la Révolution française. http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/04/04/... L'antisarkozysme est de retour.Ce qui n'était encore qu'une réaction des milieux les plus militants et radicaux aux débuts de la présidence de Nicolas Sarkozy devient un sentiment plus répandu dans l'opinion. Alors qu'il peine à convaincre de la pertinence de son plan anticrise, le chef de l'État cristallise un mécontentement croissant. Ce dernier s'exprime dans les grèves ouvrières contre les fermetures d'usines, mais aussi dans des catégories jusqu'ici relativement protégées: magistrats, avocats, médecins, enseignants, étudiants et cadres. On assiste à une déception incontestable de l'électorat. Elle ne s'est pas encore transformée en désaffection. Mais la crise et la remontée du chômage ne peuvent que générer un mouvement social qui va se traduire par un antisarkozysme plus marqué, analyse Denis Pingaud, vice-président exécutif de l'institut Opinionway. Le refus d'une société mise en fiches, déshumanisée et au service de l'argent roi, s'est élargi. Multiforme, la contestation va des altermondialistes aux Verts, en passant par les militants anti-OGM et les opposants à l'incarcération de Julien Coupat dans l'affaire des sabotages des lignes SNCF... M.Dupuis et S. Zappi, Le monde 9 mars 2009
(51) Massacre de la Répression des fraudes.Une circulaire primo-ministérielle en date du 31 décembre précise les contours de la réforme de la DGCCRF, le défenseur des consommateurs. Au menu, dislocation des services et réduction drastique des effectifs, à la limite du plan social. Les consommateurs enfin matés. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est une administration de contrôle en charge de la régulation concurrentielle des marchés, la protection et la sécurité du consommateur. En bref, ses agents sont chargés de vérifier la fraîcheur des produits alimentaires ou le respect des normes sanitaires dans les grandes surfaces ou les restaurants. Ils vérifient aussi la sécurité des jouets, tentent de faire respecter la loi chez les assureurs ou serruriers peu délicats. Etc. ... La dernière décision du premier ministre date du 31 décembre 2008, elle ne fait pas dans la demi-mesure. Les différents services de la DGCCRF seront dorénavant éclatés en entités départementales, placées sous l'autorité du préfet. Les services départementaux perdront ainsi tout lien hiérarchique au niveau régional et national !... lors de la découverte de produits dangereux comme la mélamine dans les produits laitiers, la force de la DGCCRF était de pouvoir mobiliser l'ensemble de ses agents en quelques jours. Dorénavant, il faudra que chaque département mène sa propre enquête, sans profiter des avancées du département voisin. La qualité des études s'en trouve ainsi diminuée et la cohérence interne de ses missions totalement désintégrée par la réforme... In www.lesmotsontunsens.com/scandale-dgccrf-... Télécharger la pétition : http://www.consommateurendanger.org/ Lire l'article du Canard Enchaîné du 25/03/2009
(50) La France n'est pas la seule à protester... Dorothea Hahn relève surtout que, "cette fois-ci, les Français ne sont pas les seuls à se révolter... Tous ces mouvements dénoncent une même logique gouvernementale, qui déverse des milliards sur les banques et les entreprises tandis que les services publics et les prestations sociales sont souvent supprimés et les salaires gelés. Ce mouvement de redistribution du bas vers le haut fait peut-être consensus parmi les gouvernements européens, mais au bas de l'échelle on se demande de plus en plus si le capitalisme vaut la peine d'être sauvé. Et notamment si ce sauvetage doit se faire sur le dos des plus faibles. Les manifestations et les grèves en France sont plus que du folklore politique : les Français ne font qu'exprimer une colère qui gronde dans toute l'Europe, l'envie de changer de politique et un besoin de plus de justice sociale." Die Tageszeitung dans courrier international.com/
(49) Boucliers inhumains, par Robert SoléFaut-il supprimer le bouclier fiscal, comme le réclame la gauche ? Ou l'"aménager", comme le suggèrent certains parlementaires du centre et de la droite ? Ni l'un ni l'autre, répond le gouvernement : taxer davantage les hauts revenus encouragerait les délocalisations. "Les riches partiront au lieu d'investir, dit Jean-François Copé, le chef des députés UMP. En temps de crise, on a besoin de gens fortunés." Des esprits mal tournés en concluront que, en temps de prospérité, on a besoin de gens pauvres, mais le débat n'est pas là. Le bouclier se porte dans le dos toute l'année, pour être brusquement ramené vers l'avant au moment de l'assaut fiscal, en mars. Les flèches empoisonnées de l'État viennent s'écraser sur sa peau de vache. C'est une arme défensive, mais, lors des manifestations, on voit régulièrement des contribuables en uniforme s'en servir pour se frayer un passage ou infliger des coups. La crise économique pourrait lui donner une nouvelle actualité. Si les chefs d'entreprise qui licencient à tour de bras continuent à subir des jets de tomates, d'œufs ou de chaussures, il va falloir inventer d'urgence le bouclier patronal.
(48) Désastre à l'hôpital publicAndré Grimaldi, professeur de médecine à Paris, chef du service de diabétologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, était ce vendredi matin l'invité de Jean-Michel Aphatie. (06 mars 2009) Le chef du service de diabétologie de la Pitié-Salpêtrière à Paris, est l'invité de RTL
en vidéo : André Grimaldi, invité de RTL (06/03/09)Voir aussi (62) La santé en voie de privatisation ? (47) Les Réformes ratées du président SarkozySous ce titre un livre vient d'être publié par les économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg, chez Flammarion. En voici deux analyses.
"Les réformes économiques et sociales de Nicolas Sarkozy ont échoué et placeront la France d'après-crise dans une position pire qu'auparavant, ... ... "Des régimes spéciaux de retraite au Revenu de solidarité active, en passant par la représentativité des syndicats, la 'flex-sécurité' ou la grande distribution, chaque réforme a été une occasion manquée, compliquant la réglementation au lieu de la simplifier et augmentant les coûts au lieu de les réduire, estiment les deux économistes. "En cause, le recul d'un pouvoir trop pressé d'afficher des succès devant ceux dont les intérêts étaient menacés. "Ce qu'il en ressort, c'est que les soi-disant réformes sont purement des affichages de réformes et que sur le fond, on a régressé", ajoute André Zylberberg. lexpress.fr/...reformes-de-sarkozy-ont-echoue...html
Pierre Cahuc : «Il faut voir les décrets d'application, les détails, les mises en place sur le terrain», pour voir que les réformes ne sont pas du tout faites «à moitié»: «ce sont de fausses réformes». Elles ne sont pas simplement «fausses» ces réformes, elles sont «néfastes» au sens où elles aboutissent à des résultats contraires à l'objectif souhaité. Au lieu de résoudre les graves problèmes structurels qui handicapent le pays (un taux de chômage très élevé malgré des prélèvements obligatoires records), les-dites réformes les accroissent. Elles consolident les ayant-droits, les seniors, les emplois stables, les syndicats installés, les grandes surfaces, etc. alors que la précarité et les difficultés s'abattent toujours sur les mêmes: jeunes, femmes, exclus... Le livre est impressionnant. Il était, en effet, instructif d'aller dans les détails, comme me demandait Pierre Cahuc. On sort convaincu de la lecture qu'il s'agit d'un vaste problème de méthode: Nicolas Sarkozy veut prendre de vitesse les opposants en les «étouffant» de plusieurs réformes menées à la fois et tambour battant et, en parallèle, en acceptant sur chacune d'elles des «généreuses conciliations» au motif qu'elles ne remettent pas en cause le bénéfice général. Cahuc et Zylberberg montrent que le résultat est inverse: le bénéfice général est maigre, voire inexistant, mais en revanche les conciliations confortent bigrement des catégories dont on voulait réduire les avantages... «L'essentiel est de produire l'apparence du changement». Tirant les leçons des expériences étrangères, ils citent plusieurs études internationales qui prouvent que les réformes structurelles n'avancent pas dans les pays faiblement démocratiques où la crédibilité des acteurs est mince et la transparence absente. La France, selon les critères de gouvernance de ces mêmes études internationales, est très mal classée. Pour faire avancer les réformes, il faut donc, en préalable, réviser la gouvernance institutionnelle française, en clair la représentation salariale et la représentation politique dans les Assemblées. Pas de réformes sociales avec des syndicats qui ne représentent que 8% des salariés, pas de réformes économiques dans une Assemblée chasse-gardée des lobbies... Eric Le Boucher dans lemondedissident.20minutes-blogs.fr/...reformes-ratees-de-nicolas-sarkozy.html
(46) Le statu quo est préférable à la logique de marché... Les motifs de véritable réforme ne manquent pas. Encore faut-il accorder les moyens de l'indispensable remodelage qu'elle implique. Envisageable si elle est gérée par des commissions mixtes et non par le seul président, la modulation du service des enseignants-chercheurs, par exemple, est une pure illusion quand elle s'inscrit dans une volonté de suppression de postes et de restrictions budgétaires. Car ce qui est en jeu dans ce que l'on veut faire passer pour des réformes, c'est la privatisation progressive et la marchandisation rampante des services publics. Par le jeu de la mise en concurrence, par l'idéologie de l'évaluation selon le critère de la rentabilité, par l'individualisation et la flexibilité quand ce n'est pas la précarisation des fonctions, l'une et l'autre sont largement engagées non seulement en France, mais dans tous les pays d'Europe, sur le modèle américain... C'est parce que désormais l'État est devenu l'expression de l'idéologie de marché qu'on en vient à préférer, comme le pire des pis-aller, le statu quo. S'appuyant sur le Medef, le gouvernement Sarkozy est si réactionnaire, dans le sens néo-conservateur du terme, qu'il parvient à faire apparaître comme progressiste une situation que personne ne désire ni défendre ni maintenir. ... A dénigrer l'État,.. on oublie que l'État c'est aussi l'État de droit, garant pour toutes et pour tous des libertés fondamentales. C'est cet ensemble d'institutions et de services, qui non seulement maintient une certain égalité de traitement dans l'accès à leurs prestations, mais qui permet également aux citoyennes et aux citoyens d'exercer un contrôle politique à l'égard des institutions que par ailleurs elles et ils financent ; cela pour autant que ces institutions ne soient pas court-circuitées par une ploutocratie ou que les tâches n'en soient pas confiées au secteur privé. Claude Calame est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, Centre Louis-Gernet de recherches comparées sur les sociétés anciennes. Article paru dans Le monde 11.03.09.
|
Autres sites du même auteur : www.super-daddy.com |