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(99) L'Europe ne supporte plus le président françaisDésormais, c'est toute l'Europe qui ne supporte plus le président français, qui semble, au fil du temps, perdre un certain sens commun et s'inventer un monde qui a peu de rapport avec la réalité... Cette semaine, dans Libération, Alain Duhamel s'interroge : "le chef de l'État cristallise contre lui une véritable haine personnelle qui submerge Internet, inonde la presse quasi tout entière, s’épanouit dans les débats à la radio et à la télévision, inspire livre après livre (..) Nicolas Sarkozy est devenu l’homme le plus détesté de France, le président le plus honni de la Ve République. La question qui se pose est évidemment de savoir quels sont les facteurs qui ont déclenché cet ostracisme spécifique." Et de répondre : "En hystérisant la vie politique, en clivant toujours davantage la société, en déchaînant la foudre et les orages, il s’ampute lui-même du prestige présidentiel. L’hyperprésident se dé-présidentialise, contradiction burlesque.. (image : Le très libéral -et libertaire- hebdomadaire britannique, qui l'avait soutenu en 2007, qualifie en titre Nicolas Sarkozy de « Président qui rétrécit », car l'homme « ne semble plus savoir ce qu'il veut ».) ... "Le président français court depuis un an vers le néant", titrait, ce week-end, le quotidien espagnol El Pais. Et que dire de cette terrible "une" du très austère hebdomadaire britannique, The Economist, titrée "L'incroyable président qui rétrécit" et agrémentée d'une photo de Carla Bruni-Sarkozy suivie, comme un bichon, par un minuscule président disparaissant sous un bicorne napoléonien. Dans un tel climat, la présidence française du G20, à partir de novembre, risque d'être moins glorieuse qu'espéré... Il ne manque plus que l'aveuglement dont font preuve le président et ses principaux chiens de garde. Le peuple nous a élus, nous avons donc raison avec le peuple contre la presse, l'opposition, les "bien-pensants" et la terre entière, ne cessent-ils de ressasser. Et tant pis si les sondages démontrent le contraire et attestent d'un niveau de défiance exceptionnel à l'encontre du chef de l'Etat... (Gérard Courtois) Une europhobie très "calculée"... Le chef de l'État s'est félicité... de sa croisade sécuritaire contre les Roms et de son offensive contre la commissaire européenne: «Tout cela est très réfléchi, très calculé, a-t-il plastronné avant de partir à New York. On m'a montré un tas d'études... prouvant par A plus B que si le Front national est au-dessus de 12 % au premier tour, automatiquement, je ne peux pas remporter la présidentielle. Or mon discours de Grenoble a permis de récupérer une partie de l'électorat populaire.» Même analyse ou presque à propos de sa bagarre avec Barroso et de sa mise en cause de la commissaire européenne: «Attaquer la Commission européenne, ne pas plier devant elle, ça passe bien. Parce que le mec de base à droite, il ne supporte pas que la Commission donne des leçons à la France.» Conclusion du grand tacticien: «J'ai tout en tête. Mon calendrier, ma stratégie. Je veux cliver. A fond. Pour l'instant, vous n'avez encore rien vu.» Au secours! (98) École : silence, on privatise..."Suppression de 16 000 postes d'enseignants, classes plus chargées, classes maternelles amputées, suppression progressive des réseaux d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (Rased), accélération des logiques de ghettos avec la fin de la carte scolaire, suppression des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), loi Carle sur le financement de l'enseignement privé par les municipalités... La liste est longue et bien connue. Sur le même sujet dans L'histoire Rébellion théâtrale contre la colonisation Chronique "Politique" Le vilain petit canard Lettre d'Asie La Chine se refait une imageMais sa cohérence a-t-elle été suffisamment analysée ? A qui profite le crime ? Il ne s'agit pas seulement de faire des économies, mais d'un programme idéologique : faciliter l'évasion scolaire en direction du privé... Caroline Fourest La fin programmée de la médecine du travail... la majorité UMP a voté, mercredi 15 septembre, la fin de la médecine du travail telle qu'elle existe en France depuis 1946.... Avec les nouvelles dispositions votées cette semaine, le fils de Paul Woerth, médecin du travail du BTP dans l'Oise, spécialiste de l'étude de la noyade, a non seulement refusé de porter secours à une profession qui sombrait, mais lui a asséné un coup fatal.
(97) L'escalade et l'amalgame... Nicolas Sarkozy est coutumier de ces déclarations belliqueuses. Depuis huit ans, comme ministre de l'intérieur puis à l'Élysée, il a fait de la sécurité et de la lutte contre la délinquance le socle de son image, de son discours et de son action, multipliant les lois, encourageant policiers et gendarmes à améliorer leurs "résultats" et bousculant sans ménagement la justice. Sans résultat probant, puisque, selon les chiffres officiels, les agressions et violences contre les personnes ont augmenté de 16 % entre 2003 et 2009. Plutôt que de s'interroger sur les causes de cet échec dévastateur pour sa crédibilité (suppression de la police de proximité, diminution des effectifs de policiers et de gendarmes, abandon de toute politique sérieuse de prévention dans les quartiers "difficiles"), M. Sarkozy a donc choisi l'escalade sécuritaire et l'amalgame délinquance-immigration. Pour un président de la République, c'est une faute. Aussi lourde que le poids des mots qu'il utilise. L'article premier de la Constitution pose le principe que la République "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine..." Le chef de l'État devrait en être le garant. Il invite à le bafouer, sans craindre de recréer en France une catégorie de résidents qui ne seraient ni citoyens ni expulsables, puisque Français par la naissance. Autrement dit, des apatrides. En dépit du fiasco, il y a six mois, du débat sur l'identité nationale, cette politique du bouc émissaire est aussi détestable que condamnable. Aucune fin - ni la protection indispensable des citoyens ni une réélection espérée à la présidence de la République en 2012 - ne justifie tous les moyens. Le Monde - édition du 03.08.10. Article du Canard Enchaîné - 18.8.10 - Voir aussi lemonde.fr/.../2010/08/18/... Tartarin à l'ÉlyséeEst-ce l'effet de ses vacances provençales ? Ou la lecture assidue, qui sait, de Pagnol ou d'Alphonse Daudet ? Impossible de trancher, mais le résultat est là : le président de la République a passé son été entre galéjades et tartarinades. Les premières, pour qui l'aurait oublié, sont des "histoires exagérées destinées à mystifier", précise le Petit Robert ; les secondes évoquent, sans garantie de l'Académie, les histoires à dormir debout de l'impérissable chasseur de lions de Tarascon... Depuis son élection, il n'a échappé à personne que le plus grand bavard de la République est son président... Pire, quand l'Independant britannique fustige les "amalgames au mieux délibérés, au pire malhonnêtes" pratiqués par le président français, quand le New York Times s'inquiète de le voir "attiser dangereusement les sentiments hostiles aux immigrés pour satisfaire ses objectifs politiques de court terme", quand la Süddeutsche Zeitung estime que "Nicolas Sarkozy multiplie les gesticulations, croyant démontrer sa force alors qu'il révèle ainsi sa faiblesse", quand La Vanguardia catalane se demande si "la France est un pays raciste", quand enfin le pape lui-même s'en mêle pour rappeler à qui de droit les règles élémentaires de la charité chrétienne, c'est le crédit du chef de l'État et, au-delà, l'image du pays qui en prennent un sacré coup. De cela, aussi, le chef de l'Etat semble ne pas se sentir comptable. La certitude d'avoir raison envers et contre tous n'est jamais la meilleure conseillère. Gérard Courtois Par Bruno-Roger Petit :... J'ai aimé, d'un certain point de vue, même ceux que j'ai le plus vilipendé, tous les présidents de la Ve République. J'y ai vu, j'y vois encore des monuments français. Chacun d'entre eux, à sa façon, compte tenu de ses qualités, incarna une part de l'esprit français, de son histoire, de sa culture, de ses tradition de ses ambitions. Ils ont été les marqueurs d'une continuité, ne cherchant jamais à rompre le fil de l'Histoire française, et si l'un d'entre eux parla de rupture, cela ne concernait que le capitalisme, pas la France. De Gaulle fut le président des idéalités nationales, rêvant d'une France plus grande que ne l'est parfois le peuple français, entre France et Concorde, tante Yvonne et baby boom, Charlemagne et Napoléon. Pompidou fut le président des notabilités paysannes, réinventant le rêve "bien de chez nous" d'une grande France industrielle, entre bon sens paysan et avant-garde branchée, DS et camembert, Colbert et Guizot. Giscard fut le président des contradictions françaises, ressuscitant une sorte de despotisme éclairé façon république décrispée, entre dîners chez les Français moyens et diamants de Bokassa, Loi Veil et loi Peyrefitte, François Ier et Louis XV. Mitterrand fut le président des ambiguïtés provinciales, incarnant cette palette des passions françaises qui va du gris clair au gris foncé, entre abolition de la peine de mort et écoutes illégales, Badinter et Tapie, Louis XI et Richelieu. Chirac enfin, fut le président des fatalismes cocardiers, considérant que les Français savent mieux ce que qu'ils ne veulent pas plutôt que ce qu'ils veulent, entre suppression du service militaire et CPE, Raffarin tout mou et Villepin tout raide, Louis-Philippe et Albert Lebrun. Depuis 2007, on s'interroge. A qui, à quoi rattacher l'actuel président de la République ? Serait-il capable par exemple, de citer, comme aimaient à le faire de Gaulle et Mitterrand, tous les souverains, tous les régimes, ayant gouverné la France depuis 987 ? Sans doute non. Du reste, depuis des années, on ne compte plus ses saillies contre l'histoire de France, la culture classique, la littérature, les humanités. Comment ne pas voir que cette haine de la France est à l'origine de la disparition sournoise et progressive des programmes d'histoire, de latin, de grec dans les collèges et lycées, le tout sous la houlette de l'ignare Luc Chatel ?.. Le Post 2/8/2010 ... L'autre jour, dans le bistrot où je lis le Monde quotidiennement en buvant mon 51, j'ai été le témoin d'une conversation comme je les aime, authentiquement française. J'ai vu, et surtout entendu, des attitudes et des propos qui m'ont montré le rejet qui frappe la personne du chef de l'État français au sein de l'électorat de la droite française, y compris le plus populaire, le plus modeste ; cet électorat pour qui le mot "travail" a un sens sacré depuis des générations, et qui a découvert de ce que le mot "bling bling" siginifiait depuis 2007. Tout y est passé. Le "discours bidon sur la sécurité", "Besson, un mec qui trahit y trahira encore !", "Sa nana qui chante en play back qu'on se demande si c'est vraiment elle", "Fillon qui sert à rien", "Woerth le petit père des riches", "Obama il est obligé de s'asseoir pour lui parler d'homme à homme", "Y parle tout le temps et y fait rien", "Y s'est fait construire une baignoire dans son avion, on va se marrer si y a un trou d'air !"... Mon jardinier, qui participait à ce débat sur les agitations présidentielles a dit : "Quand tu penses que c'est lui qui appuie sur le bouton de la bombe atomique !" Et tout le monde l'a approuvé... lepost.fr/article/2010/08/04/... Ça va mal finir... Tout cela commence à faire beaucoup. Beaucoup trop. Nous revient en mémoire un petit ouvrage - prémonitoire - de François Léotard, un homme qui connaît bien le chef de l'État. Son titre : Ça va mal finir (Grasset, 2008). Voici ce qu'écrivait cet ancien ministre de la défense : "Sarkozy ne parle pas de la police. Il est la police. Il est l'ordre. L'ordre seulement, mais l'ordre complètement (...). Il semble que notre président n'ait lu ni Tocqueville, ni Montesquieu, ni Benjamin Constant, il semble que la séparation des pouvoirs lui soit une énigme. Si l'on rend la justice Place Beauvau, ce sera plus rapide. Et surtout plus près de l'Elysée..." François Léotard ajoutait à l'adresse de son ancien ami : "Je te le dis parce que nous avons grandi ensemble (...). J'aurais aimé qu'à côté de Guy Môquet tu cites Aragon, celui de L'Affiche rouge. Parce qu'il parle de Manouchian et que le poème d'Aragon est lové dans l'écriture de la dernière lettre du futur fusillé. Pourquoi dis-je cela ? Parce que ces étrangers "mais nos frères pourtant" ont davantage honoré la France que ces "bons Français" qui tranquillement la salissaient à Vichy. Parce que ce sont souvent des étrangers qui ont aimé notre pays plus que nous ne l'avons fait. Parce qu'ils portaient "des noms difficiles à prononcer", parce qu'ils considéraient que peut-être dans le mot France il y avait un désir de droit et - qui sait - une résistance cachée." Franck Nouchi Dominique de Villepin publie cette semaine De l'esprit de cour (Perrin, 224 p., 18 euros), un ouvrage dans lequel il met en pièce le "système Sarkozy". Qualifiant le chef de l'État de "condottiere néo-conservateur", il l'accuse de privilégier "l'instrumentalisation des peurs" et d'ériger "la division en méthode à travers l'activation des clivages idéologiques, la stigmatisation des immigrés ou de l'islam et la recherche de boucs émissaires". S'agissant de la question du regard, il propose un premier contrechamp : "Nicolas Sarkozy n'est pas tant le monarque offert aux regards que le premier des courtisans qui s'épuise dans l'art de séduire l'opinion, qu'il a érigée en nouveau souverain en lieu et place du peuple", avant de retourner l'objectif vers ceux dont le métier est de flatter le suzerain : "L'hyper-présidence a poussé au paroxysme les pratiques de cour. A défaut de réellement réformer, Nicolas Sarkozy s'est replié sur son pouvoir symbolique, croyant que plus une cour est voyante, plus le pouvoir de son prince doit être grand. Il a fait ainsi prospérer une cour invraisemblable de perroquets apeurés distillant en boucle les mêmes éléments de langage, de flatteurs impénitents, de roseaux plus penchés que pensants qui ne vivent qu'à travers le regard du prince." Frank Nouchi
Michel Rocard... Je sais bien que le président recherche d’abord les effets d’annonce. Cette loi ne verra jamais le jour. Mais ça ne change rien aux intentions. Et les intentions, je vous le dis comme je le pense, les intentions sont scandaleuses... Je dis qu’il le paiera et qu’il l’aura mérité... Je serai sec et sans bavure : c’est inadmissible. Mais le pire, c’est que ça ne marche pas. Il n’y a d’amélioration ni sur le plan de la sécurité ni sur celui de l’immigration. On peut faire de grands discours mais, dans la réalité, la marge de manœuvre est faible, aussi bien pour la droite que pour la gauche. Il faut bien savoir qu’en tout cas les progrès seront minimes. On ne va pas étaler une ligne de barbelés le long des frontières. On ne va pas dresser les chiens policiers à flairer les sans-papiers. On ne peut pas refuser tout le monde. Et les étudiants étrangers ? Beaucoup déjà vont ailleurs, et c’est une perte pour notre pays. On ne peut pas expulser à tour de bras n’importe qui. Seulement les discours changent en fonction des gens auxquels on s’adresse. Quand on va chercher l’électorat du Front national, voilà sur quels scandales on débouche. La loi sur les mineurs délinquants passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n’avait pas vu ça depuis Vichy, on n’avait pas vu ça depuis les nazis. Mettre la priorité sur la répression, c’est une politique de guerre civile. Marianne 2 Voyou de la République ?... Marianne, dans un numéro devenu historique, avait répliqué : non, Sarkozy n’est pas un idéologue « bushiste » dogmatique et sectaire, c’est un bonapartiste pragmatique et talentueux (le meilleur candidat dont ait disposé la droite depuis longtemps, précisions-nous), capable, s’il juge que c’est dans son intérêt, de stigmatiser le « grand patronat » ou de vilipender le capitalisme. Simplement, l’énormité gargantuesque de son hypertrophie du moi, la démesure de son adoration de lui-même, la puissance de sa volonté presque illimitée de pouvoir et de contrôle, frise, à un tel niveau, la folie… Et représente une menace pour notre conception de la démocratie et de la république. On jugera, avec le recul, de la pertinence ou de l’impertinence de cette approche. Mon analyse, aujourd’hui, est du même ordre : Sarkozy n’est pas pétainiste ni, encore une fois, maurrassien, xénophobe, raciste, encore moins facho. Simplement, aucun interdit d’ordre idéologique ou éthique ne le bride, aucun principe transcendant ou aucun impératif moral ne l’affecte, aucun « surmoi » ne l’arrête. Pour conquérir et conserver le pouvoir, il est capable de tout. Absolument de tout. Exactement comme les caïds des cités. En réalité, avec d’ailleurs le talent que cette mentalité nécessite et le sens de la prise de risque qu’elle exige, Nicolas Sarkozy est un voyou. Un voyou de banlieue, dont la banlieue serait Neuilly. Typique, à cet égard, est cette façon de déclarer la guerre à tout bout de champ… aux bandes rivales !.. Jean-François Kahn
"Si être Français se mérite, être Président des Français aussi."Najat VALLAUD BELKACEM commente lainsi e discours du Président de la République, qui, selon elle, "prend un tour de plus en plus inquiétant.. jouant sur la peur des citoyens, les préjugés et les amalgames, pour faire oublier ses échecs et les scandales de ces dernières semaines"...
L'amour de soi et la haine des autres... Sous couvert d'assistance à populations en danger perce l'électoralisme cynique d'un chef de l'État qui semble chercher d'abord à sécuriser une victoire en 2012. Aucune fin ne saurait justifier de tels moyens, alors que l'ONU dénonce une montée de la xénophobie en France... Depuis la "racaille" et le "Kärcher", ces marques de fabrique du sarkozysme, depuis la création du ministère de l'identité nationale et de l'immigration, rapprochement douteux suggérant que la seconde menace la première, le président construit le même mur. Celui des préjugés, des stéréotypes, des ennemis de l'intérieur. Celui de la défiance entre un Eux et un Nous, entre la France des "vrais" Français et la souffrance de tous ceux qui ne volent ni ne tuent, mais portent les stigmates de l'étranger... les mots ont été choisis comme autant d'armes qui créent la polémique et anesthésient la pensée. Par sa brutalité verbale et physique .., le pouvoir ferme la porte à toute réflexion intelligente... L'article premier de la Constitution, faut-il le rappeler, affirme que la République "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion". Eric Fottorino
(96) Conflits d'intérêt... Le sarkozysme semble avoir considérablement dégradé les choses, en multipliant les cas de conflit d’intérêts tout en refusant d’y voir le moindre problème. L’argumentaire ahurissant de Claude Guéant est significatif : « Un honnête homme comme Eric Woerth ne songe pas à prendre des précautions parce que la tentation du conflit d’intérêt ne traverse même pas son esprit ». Car, selon lui, « pour des gens honnêtes il n’y a pas de risque de conflits d’intérêts ». Mais contrairement à ce que pense Claude Guéant, ce n’est pas pour les gens malhonnêtes qu’a été définie la notion de conflit d’intérêts ! C’est un concept forgé par des juristes pessimistes – ou réalistes - sur la nature humaine : il faut la protéger d’elle-même en lui évitant les tentations. Les situations sont considérées comme plus déterminantes que les intentions. Il ne suffit donc pas de se déclarer ou de se penser honnête pour l’être dans des situations soumises à des intérêts contradictoires. Comme, par exemple, pour un ministre en charge des impôts, le fait d’être aussi collecteur de fonds pour son parti politique auprès des grandes fortunes parmi lesquelles une milliardaire au service de laquelle travaille son épouse… Il n’est pas étonnant que ce soient le vrai libéral qu’est Alain Madelin et Christine Lagarde - qui a fait la majeure partie de sa carrière dans un cabinet d’avocats d’affaire américain - qui aient condamné implicitement la position d’Eric Woerth. En France, ceux qui se disent libéraux préfèrent se présenter comme de petits nietzschéens du conflit d'intérêts qui n'ont aucune inquiétude sur leur vertu: ils ne nient pas le mélange des genres, mais s'estiment très forts pour le contrôler eux-mêmes. Alain Minc, multicarte du conflit d’intérêts qui ose toujours tout, n’hésite pas à rejeter cette objection en dénonçant un « politiquement correct très anglo-saxon avec son culte de l'indépendance »... (http://www.marianne2.fr/Claude-Gueant-... ) (Dessin: Louison, Marianne2) Sur TF 1 : Ségolène Royal : le système SarkozyTout sauf un juge !... Mais si c'est aussi "insupportable", si ce ne sont que torrents de haine, calomnies fascistes, ragots qui menacent la démocratie, tweets nauséabonds, blogs vaseux, allez-y donc, ministres outrés, compagnons indignés, porte-parole scandalisés: portez plainte ! Qu'attendez-vous ? Vos avocats piaffent. Qu'attend donc l'hyper-procédurier Sarkozy, qui n'hésita pas à assigner L'Obs pour une affaire aussi grave qu'un faux texto (la fameuse affaire "si tu reviens, j'annule tout"), qu'attend-il pour porter plainte contre Claire Thibout ? Qu'attend-il, au moins, pour obliger Woerth à le faire à sa place? Ah oui, mais une plainte, c'est un juge d'instruction. Et avec un juge d'instruction, on entre dans l'incontrôlable. Tout sauf le juge! Tous leurs espoirs reposent aujourd'hui sur le vaillant procureur Courroye, qui virevolte sous les applaudissements du Figaro, multipliant les auditions, mimant "la-véritable-enquête-qui-n'a-peur-de-personne-et-qui-ira-jusqu'au-bout", afin de faire croire, ô consécration, qu'un procureur nommé par le pouvoir peut mener "une enquête indépendante". Afin, accessoirement, de tenter de faire oublier qu'il figure, aussi, dans les maudits enregistrements du majordome, au titre d'ami bienveillant de la milliardaire. Le paradoxe de l'histoire, c'est qu'appuyant de toutes ses forces sur le frein, Courroye appuie aussi (sans le vouloir ? Mystérieux méandres de la psychologie humaine...) sur l'accélérateur. C'est la définition même d'une affaire incontrôlable. Politique, médias : les maux françaisQuand le président d'Indonésie demanda en 2005 à l'économiste Sri Mulyani, alors employée au Fonds monétaire international, de devenir sa ministre des finances, le mari de cette dernière était banquier. Avant d'accepter, Mme Mulyani eut, a-t-elle raconté, une conversation avec son mari : "Il y a une chose qui s'appelle le conflit d'intérêts, lui dit-elle, et même si on n'en a, en Indonésie, qu'une très vague idée, je veux être au-dessus de tout soupçon." Le mari abandonna l'ensemble de ses charges financières pour se consacrer à l'entrepreneuriat social, et Mme Mulyani fut pendant cinq ans une ministre au-dessus de tout soupçon, très active dans la lutte contre la corruption. Si des ministres indonésiens sont capables d'avoir ce genre de scrupules, pourquoi pas les nôtres ? La déflagration de l'affaire Woerth-Bettencourt trouve d'abord son origine dans cette incapacité de la classe politique à s'autoréguler : si Eric Woerth avait eu, avant d'accepter son poste de ministre du budget, une conversation avec le président de la République sur l'opportunité de rester trésorier de l'UMP, puis, un peu plus tard, une conversation avec sa femme sur l'opportunité pour elle de gérer la fortune des Bettencourt, nous n'en serions vraisemblablement pas là... Mais l'explosion s'est produite, et la réaction naturelle du pouvoir a été d'accuser le messager. Mediapart, site Internet fondé par l'ancien directeur de la rédaction du Monde Edwy Plenel, a été désigné comme coupable officiel et ses méthodes qualifiées de "fascistes" – sans que l'on sache sur quoi se fonde cette accusation outrancière – parce qu'il avait, le premier, publié les écoutes illégales réalisées par le majordome de Mme Bettencourt... (Sylvie Kauffmann)
Sarkozy/Woerth : la presse européenne sévèrePar Gilles Klein le 15/07/2010 Le feuilleton Woerth qui s'ajoute aux démissions de Blanc et Joyandet suivies par l'affaire Bettencourt, et la prestation télévisée peu convaincante de Nicolas Sarkozy continuent à alimenter la presse européenne. Quelques exemples."Fini la rigolade" titre le Rheinischer Merkur (Allemagne) dans un long article qui retrace les épisodes de la polémique, et les démissions de ministres. "La terrasse surréaliste" titre De Volkskrant (Pays Bas) compare la prestation télévisée de Sarkozy et Pujadas, (avec une image de l'émission) à une scène de théâtre du festival d'Avignon, ci-dessous à droite."Tourmente à Paris" titre l'éditorial de La Vanguardia (Espagne) "L'orage politique provoqué par le scandale de fraude fiscale et de donations illégales avec l'héritière l'Oréal en vedette, loin de se calmer, ne fait qu'empirer" "Le ministre au centre d'un scandale de financement politique accusé d'avoir vendu un terrain public à une de ses relations à un prix dix fois inférieur à celui du marché" explique The Daily Telegraph (Grande-Bretagne) ( http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=8679 )
Désordre par Claude Askolovitch... Le problème, c'est que l'ordre ne se limite pas aux méchants pauvres qui trafiquent pour devenir riches. L'ordre devrait aussi s'appliquer aux salons de Neuilly aux îles exotiques, et aux générosités capricieuses des milliardaires... Il ne s'agit pas de soupçons a priori: à Dieu ne plaise que des agents des fiscaux harcèlent un jour les Bettencourt, comme les policiers contrôlent les gamins mal léchés des cités... Mais au moins, quand affleurent les scandales, que l'on traque la vérité chez les riches avec la même fermeté qui terrorise la racaille? L'Etat veut se faire respecter des voyous, mais il se laisse humilier de l'autre côté de la fracture sociale: quand feu André Bettencourt pouvait mépriser les politiques qui venaient quémander ses enveloppes; quand Eric Woerth pouvait solliciter Patrice de Maistre, gérant de la fortune des Bettencourt, pour qu'il fmance la campagne de Nicolas Sarkozy ou qu'il aide son épouse de ses conseils professionnels (et Mme Woerth fut embauchée, et de Maistre fut décoré par Woerth, quand Laurent Wauquiez, ministre des chômeurs, tend sa sébile à des financiers londoniens; ou quand l'Etat s'évertue à compliquer des enquêtes qui devraient être fort simples - sinon aisées... Sauvons les riches !Le slogan était très drôle. Mais il est dépassé, écrasé par la réalité. Sauver les riches, une troupe d'humoristes nommés Eric Woerth, Xavier Bertrand, ou Frédéric Lefebvre, s'y emploie avec talent depuis le début de l'affaire Bettencourt. Peut-on en rire ? Depuis plusieurs années nos invités de cette semaine, un groupe de jeunes militants, pratiquent le happening joyeux devant les caméras: "Jeudi noir", "Génération précaire", "la Barbe", ou justement "Sauvons les riches", c'est eux. Aujourd'hui, ils s'avouent dépassés par l'affaire Bettencourt. Dans leurs rêves les plus fous de gagmen, ils n'auraient pas imaginé les enveloppes de liquide dans le petit salon, les ilôts aux Seychelles, les actives solidarités d'hippodrome, les légions d'honneur entre amis , et les chèques de trente millions au titre du bouclier fiscal. Et s'il n'y avait que Bettencourt ! Au fil des révélations, sont apparues une affaire du marchand d'art Wildenstein (nous la résumons ici (1)) et cette semaine, une affaire de la succession César (elle est là (2) et là (3)).. Comment rire d'une réalité plus caricaturale que les caricatures ? Prenez des forces ! Notre émission est ici (4). Ses meilleurs moments sont là. (5) Daniel Schneidermann
La République déchirée... L'arrière-plan de la politique de Nicolas Sarkozy, qui engendre cette crise de confiance, est constitué de deux axes : le culte de l'argent, et le despotisme soi-disant éclairé. Culte de l'argent : celui qui a fait fortune a forcément raison. Les entreprises, en tout cas celles qui dominent les marchés, ont forcément raison. Ce constat n'est pas neuf : dès son élection, Nicolas Sarkozy qui avait évoqué une "retraite" pour prendre la mesure de ses nouvelles fonctions, avait témoigné de son goût pour le luxe aux frais d'un de ses amis fortunés. Mais le scandale de l'affaire Bettencourt, et tout autant les révélations sur le "Premier Cercle", qui permet aux riches un accès facilité au président et à ses ministres, contre financement politique aux marges de la légalité, montrent comment les choix politiques effectués, qui favorisent toujours les plus puissants, sont effectués. ... Mais il faut aussi qualifier le régime politique dans lequel Nicolas Sarkozy nous entraîne et qui se révèle dans l'affaiblissement des institutions dont l'indépendance est un gage de crédibilité auprès des citoyens. C'est un véritable retour au XVIIIème siècle, avec le modèle du despote soi-disant éclairé. Cette conception consiste à concentrer les pouvoirs dans les mains d'un seul homme (le despote), à faire fi de la séparation des pouvoirs que sont l'exécutif, le législatif et le judiciaire, à étouffer tous les contre-pouvoirs comme la presse ; tout cela au motif que le despote serait éclairé par la Raison, ce dont on peut douter dans le cas présent. Bertrand Monthubert
Prologue du livre de Jacques GénéreuxDurant les vingt premières années de ma vie, j’ai grandi dans un monde où le destin des enfants semblait naturellement devoir être plus heureux que celui de leurs parents ; au cours des trente suivantes, j’ai vu mourir la promesse d’un monde meilleur. En une génération, la quasi-certitude d’un progrès s’est peu à peu effacée devant l’évidence d’une régression sociale, écologique, morale et politique, la « Grande Régression » qu’il est temps de nommer et de se représenter pour pouvoir la combattre. Car la première force des malades et des prédateurs qui orchestrent cette tragédie est leur capacité à présenter celle-ci comme le nouveau visage du progrès. Et leur première alliée, c’est la perméabilité des esprits stressés, trop heureux de s’accrocher à n’importe quelle fable qui fasse baisser d’un cran la pression et l’angoisse. À l’âge de la démocratie d’opinion, les réactionnaires ne peuvent se contenter de démolir l’acquis des luttes passées en faveur d’une vie meilleure pour tous ; il leur faut aussi anesthésier les résistances, susciter l’adhésion ou la résignation de leurs victimes ; ils doivent remporter une bataille culturelle dont l’enjeu est de nous faire aimer la décadence. Ainsi espère-t-on, par exemple, nous persuader que la nécessité de « travailler plus pour gagner plus » est une avancée sociale, que le droit de renoncer volontairement à nos droits sociaux étend notre liberté, que la construction de prisons d’enfants améliore la sécurité, que l’expansion des biocarburants contribue au « développement durable », etc. Mais la substance réelle de ces soi-disant « progrès », c’est l’intensification du travail, la servitude volontaire, l’impuissance à éduquer mieux nos enfants et la destruction des forêts vierges ! Si nous laissons s’installer cette ultime perversion du discours politique, alors, à chaque fois qu’on nous annonce une « nouvelle liberté », il faut redouter une aliénation supplémentaire de nos droits, et chaque « réforme pour aller de l’avant » peut masquer un grand bond en arrière. Il est aussi tant de régressions qui désormais avancent sans masque : les « démocraties libérales » laminent les libertés publiques, emprisonnent les enfants et les fous, envahissent des pays qui ne leur ont rien fait ; les travailleurs se tuent au travail littéralement et non plus seulement métaphoriquement ; le fondamentalisme religieux et l’obscurantisme prospèrent ; l’incivilité envahit les cours de récréation et les rues ; l’obscène cupidité des riches détruit les systèmes financiers et affame les pays pauvres, etc. Où que l’on porte le regard, on a toutes les chances de constater comme une inversion du mouvement, à rebours de ce que nous avions jusqu’alors appelé « le progrès ». In : jacquesgenereux.fr/news/la-grande-regression
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