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Grand
concours d'écriture
Mots imposés.
Textes
proposés, en prose.
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Pâques
au balcon
C’est Pâques, il fait beau. Les œufs et les lapins en chocolat semés
par les cloches sont ramassés et commencent à se ramollir dans le panier
d’osier. Albertine assise près de Sacha sert le thé sous la tonnelle
qu’ombrage à peine un rosier grimpant au nom pompeux de Proserpine,
lequel est envahi de pucerons voraces, mais vous savez comment sont les
roses, elles s’offrent à qui les prend, bien contentes d’être
prises, alors même qu’elles n’en sont qu’au tout début de leur
formation, de vrais cœurs d’artichaut.
Albertine n’est pas du genre à mettre de la saccharine dans son
Darjiling, non, elle y met du sucre, beaucoup de sucre au moins cinq
morceaux. Pour Sacha non plus, pas de saccharine, mais pas davantage de
sucre ni de Darjiling! Sacha ne prend rien: que du bon temps, sa tasse de
thé à lui c’est le stupre, il est là pour ça (elle aussi, mais elle
a si longtemps compensé par un usage immodéré de sucreries ses désirs
contrariés que l’habitude s’est installée). Or voilà que derrière
eux sur la branche mère du rosier s’acheminent benoîtement Nadine
Tatouin et Robert Mingot, une coccinelle et un coccineau (les coccineaux
chacun le sait, sont aux coccinelles ce que les damoiseaux sont aux
demoiselles). Tous deux sont vêtus de leurs plus beaux atours, n’oublions
que c’est dimanche, Robert a laqué ses rouflaquettes et Nadine a verni
ses jolies mandibules. L’orgie commence.
Il faut savoir que les dimanches,
Depuis
toujours chez les pucerons,
Sur
les fleurs les feuilles et les branches
Au
rythme du bandonéon
les
insectes en chemises blanches
dansent
en se tenant les hanches
et
c’est dans cette ambiance folle
que
coccinelle et coccineau
qui
sont friands de ces bestioles
en
profitant de la sono
Croquent
tous ceux qui batifolent
Arrachant
têtes et guiboles.
Ajouté le 19/6 ? Je croyais que c'était une vieille chanson belge
!!! Cloddy
Pendant que Sacha dépiaute les
confiseries à demi fondues qu’engloutit à mesure Albertine, léchant
lapine, œufs gorgés de liqueur et petits jésus de guimauve, Robert et
Nadine indifférents à leur pantomime, un étage plus haut exterminent
les pucerons au rythme du tango. Quand soudain c’est le drame, une
cohorte de fourmis venues protéger le cheptel encercle les jouvenceaux,
Nadine tombe, étourdie par l’impact elle n’a pas le réflexe de
déployer ses ailes et finit sa chute dans le Darjiling. Moralité :
aucune.
Philippe André evouali_voila@yahoo.fr
Un
peu tirée par les cheveux, ton histoire : "exterminent les pucerons
au rythme du tango" ! Quelle invention ! Où es-tu allé chercher ça
? Enfin, j'ai dit "chacun a sa chance"... Mais j'ai l'impression
que le repas de Pâques était bien arrosé, et pas de Darjiling ! Tu nous
avait habitué à beaucoup mieux ! (:-))
Bien à toi. Cloddy
Coccinelle est le surnom de
ma fille, Asticot le surnom de son chéri, c'est te dire si on fait dans
l'écolo. Ton texte est savoureux, mais Albertine n'est pas raisonnable,
elle met trop de sucre, elle va finir obèse ! Si, il y a une moralité à
ton histoire, c'est que Nadine la coccinelle ne pourra plus jouer son rôle
et que le rosier va se faire bouffer vite fait bien fait par cette bande
de pucerons et si tu veux offrir des roses à ta chérie, tu n'auras plus
qu'à t'adresser à INTERFLORA ! Petit reproche, mais c'est infime, ton
"tango" tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, ou plutôt
comme Nadine dans sa tasse de thé ! (Mais tes textes sont aussi ma tasse
de thé et je suis trop grosse pour m'y noyer) Bisous. CLOCLO
C'est vrai que j'avais
voulu faire vite, ne pas entrer dans les détails et du coup ce passage
sur le tango des pucerons exterminés par les coccinelles paraît un peu
abscons. Voici un extrait de vieille chanson française qui resitue le
contexte. Ph André. J'aime
et je comprends mieux Cloddy
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Elle se nourrissait
exclusivement de fonds d'artichauts et de sucre roux, pourtant, elle
prenait du poids ! Chaque jour un peu plus d'ampleur, de volume, de
difficultés à se déplacer. Il lui fallait réagir, elle conserva donc
les artichauts mais ne mangea plus que les feuilles en les saupoudrant de
saccharine... Rien n'y fit, elle continua à prendre du ventre, à se déplacer
lourdement, trois pas en avant et deux à l'arrière dans un pathétique
et permanent tango ! Ce régime la désespérait, personne ne pouvait
comprendre cette douleur du ventre creux, de ce corps obèse
et disgracieux, de cet esprit possédé par l'idée de la minceur ! A quoi
rimait cette pantomime, jamais elle ne pourrait vaincre sa nature, elle
renonça. Aujourd'hui, elle a quitté ce monde cruel, elle a escaladé un
gros rocher, s'est laissé tomber sur le dos, les pattes en l'air,
immobile. Elle s'appelait Proserpine, c'était à ce jour, la plus grosse
tortue répertoriée dans cette partie du monde !
Joëlle BOSSCHEM
Très
beau texte, très émouvant, (malgré la pirouette finale) sur le drame de
l'obésité, dans un monde où toutes les femmes devraient essayer d'être
jolies, bronzées et minces... pour engraisser les marchands de régimes
amaigrissants... Merci, Joëlle. PS J'étais tellement pris que je n'ai
vu que c'était une tortue, seulement à la troisième lecture
! Cloddy
Pas mal, le coup de la tortue... le moment
où elle se retrouve sur le dos m'a rappelé la Métamorphose... et
puisqu'on parle de métamorphoses, on en vient à Ovide et là
Proserpine n'est pas loin, avec tous ces camarades mythologiques (lol)...
et surtout cet animal à carapace est un fabuleux symbole des
problèmes que peut poser l'obésité... ou plutôt des trésors
d'invention qu'il faut pour se protéger des regards des autres...
Yann GEURMONPREZ xjan@noos.fr
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Au théâtre.
De la baignoire du Grand Théâtre du chef-lieu de mon arrondissement,
j'assistais à une pantomime.
Proserpine, enlevée par Pluton alors qu'elle cueillait des fleurs, des têtes
d'artichauts, regrettait sa mère. La pharmacopée campagnarde connaissait
le pouvoir aphrodisiaque, les effets bénéfiques sur le foie et surtout
sur les sécrétions de l'insuline. Proserpine ne savait pas que la
saccharine pouvait remplacer le sucre. A l'entracte, comme moi, elle but
un tango, ce délicieux mélange de bière et de grenadine. Je fus
surprise de la voir offrir un verre à Pluton.
Assise sur son trône d'ébène, à côté de son mari, elle devait couper
le
cheveu fatal auquel la vie était attachée. Sans ce rite, personne ne
pouvait mourir. Merci Proserpine de m'oublier encore pour quelques temps.
Malou Avril 2006
Malou, je n'arrive pas à
saisir le fil de ton intrigue : Est-ce que le fauteuil d'ébène est dans
la pièce, ou dans le bar du théâtre ? En revanche, tout à fait
d'accord pour la fin : Proserpine, oublie nous ! Bises. Cloddy.
J'adore !!!! malou a réussi à raconter
le mythe avec grâce et légèreté,
bravo !! et la fin : super ! domi
Malou,
le Mythe est délicieusement délié et remis à un certain goût du jour
qui me plaît ! Bravo! De plus, quelques notions phyto avec l'allusion à
la cynarine (Proserpine ?) contenue dans l'Artichaut. Quelle foi
!!!!!!!!!!!! (sourires) Bisous, Nadia.
Malou
c'est toi qui coupes les cheveux en quatre, la saccharine à la place du
sucre dans le sirop de grenadine ça donne un goût acide et contrarie les
effets bénéfique du jus d'artichaut. Bravo tout de même pour ce tango.
Mais attention, tu es dans la baignoire, Proserpine est sur le trône,
elle se rapproche dangereusement j'espère que tu as un bonnet de bain. Ph
André evouali_voila@yahoo.fr
J'ai des lacunes ! Il
faudra que je révise ma mythologie, avant de faire le malin !!! cloddy
Bonjour
claude, Oui, faut réviser, si tu le veux, j'ai pris ce qu'il y avait de
plus rapide (je suis bourrée de liens et de tics, de tocs mythiques).
Nadia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Proserpine
Merci,
Nadia, pour ces instructives précisions Mais je t'avoue que je n'ai
pas compris ce que la grenadine faisait dans l'histoire, à moins que ça
soit là pour la rime ? Décidément je suis nul en mythologie ! Merci
quand même, tu auras essayé... (:-))
Cloddy
C'est parce qu'elle a mangé une
grenade, enfin, les pépins, et qu'il fallait pas !.... La pauvre... C'est
pour la punir de cela que Pluton ne la rendue à sa mère que la moitié
de l'année.... On pourrait trouver ça "chiant" toutes ces
histoires de mythologie, mais comme tu dis Cloddy, ça nous rend
lyriques...! Et ça, c'est chouette ! (tiens, la chouette, qui s'y colle
?)....Bises. domi domi.th@wanadoo.fr
Six mois de prison par an,
pour trois malheureux pépins de grenade !!! Il y va un peu fort, ton
Pluton ! Je dirai même plus ! Il y va un peu fort !!! Cloddy
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Dans la ville de Saccharine, bien connue pour ses
ersatz de légumes - Tomate grosse comme un pois chiche, carotte naine, haricot
vert de deux centimètres - Proserpine décide de se lancer dans la
culture des artichauts géants ! Cela ne se fera pas tout seul ! Sans
doute lui faudra-t-il recourir à toutes sortes d'artifices et de stratagèmes.
Mais Proserpine est courageuse et ne craint pas l'ouvrage. Sa patience est
sans limite et elle est prête à tous les efforts pour avoir un résultat
concluant. Pour arriver à ses fins elle contacte le « Très Ambitieux
Novateur Gourmand Occulte », devin du potager connu dans le monde entier.
Malgré son emploi du temps fort chargé, la réponse du Grand Mage arrive
très rapidement.
« Madame Proserpine,
Les astres m'ont parlé, la terre m'a livré son secret, voici mes
conclusions :
Pas d'incantation, pas de messe noire, pas de pantomime, ne faites plus rien
que surveiller votre chèvre et mettez son fumier aux pieds de vos protégés.
Signé : TANGO
PS. En règlement de ma consultation, votre compte sera débité de la
somme de deux cents euros. » grosby
Brigitte, Là tu as fait très
fort ! Quelle astuce pour amener le tango ! Bravo, mille bravi ! Cloddy
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Proserpine
était ma demi-sœur.
On s'entendait plus ou moins bien, selon les moments, nos humeurs et les
circonstances... Il n'empêche que si quelqu'un aurait touché à un seul
de ses rares cheveux, je lui aurais arraché la truffe. Car j'aimais
Proserpine. De même qu'elle m'aimait. Après tout, nous étions presque sœurs...
Proserpine prenait toujours son "noir" du matin avec un zest de
saccharine, sous prétexte que le sucre pur nuisait à sa santé et à sa
beauté... Tandis que moi, je me délectais de mon chocolat chaud
assaisonné à volonté de sucre, additionné de pain frais, qui contribuaient
à remplir mon ventre déjà bien rondelet. En général, nous prenions
notre petit déjeuner face à face, nos deux regards se croisant sans aménité,
chacune prenant bien soin de camoufler les sentiments qu'elle ressentait
envers l'autre.
Un jour, pendant l'une de ces jouxtes visuelles - qui généralement
avaient lieu en silence - un très bel homme, ma foi, a fait
irruption dans notre auberge.
Était-ce pour se détacher de sa timidité, toujours est-il qu'il s'est
présenté à nous dans une sorte de ridicule pantomime - avec force
gestes inutiles - qui nous a fait hurler de rire (mais seulement à l'intérieur
: notre père nous avait bien élevées...).
Nous lui avons ensuite offert un pichet de vin, et proposé de goûter la
recette de la Maison : le gâteau aux artichauts, dont il s'est délecté.
Puis, rassasié et confiant, il a invité ma petite Proserpine à danser
un magnifique tango. Je les admirais, tandis que quelques larmes d'émoi
perlaient aux bords de mes paupières déjà flétries.
Aujourd'hui, ils sont mariés, ont quatre enfants et je suis restée la
tantine indispensable qui soigne les maux de toute la famille, avec mon
amour éternel. bbraibant
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Un
héritage
Avant guerre, pas la grande, l'autre, l'indicible, mon oncle Arsis BOLDO,
cheminot des chemins de fer de l'ouest, possédait une petite villa et son
jardinet en Touraine. Lorsque le ronronnement des chars et le ronflement
des avions annoncèrent l'invasion de la France et le début de l'ère
rutabaga topinambour et saccharine, l'oncle Arsis se mura dans sa
tristesse et se consacra au jardinage. Pour vaincre la mélancolie que le
rongeait il voulu se mettre à peindre.
Il fit pousser avec goût des légumes ornementaux. « Voilà ce que
je veux peindre ce dit-il. Car les natures mortes conviennent aux
temps de désolation.»
Le soleil levant le trouvait debout dans son jardin exubérant,
tablier de jardinier et chapeau de paille sur la tête, mais l'après
midi il méditait dans son atelier le pinceau et la palette à la main. La
nuit il disparaissait dans l'obscurité dès que la chouette hululait.
Un soir d'été qu'il projetait de peindre une composition de légumes
assemblés sur un plan de travail et savamment disposés selon les règles
de la perspective droite, - artichauts, aubergines, topinambours,
patates et tubéreuses, radis, tomates et coloquintes galbées,
persil et des tiges d'angélique - il méditait le menton appuyé au creux
de la paume de sa main retardant l'instant de la première touche de
peinture sur la toile blanche.
Le silence de la nuit baignait tout.
Soudain l'étalage de légumes fraîchement cueillis sembla bouger
lentement et formes et couleurs se fondre à la lueur des bougies
pour devenir des sujets animés.
Une divinité à la peau bleu sombre comme l'aubergine se redresse,
enlace une jeune femme au corps de coloquinte endormie et exécute
quelques pas de danse au son d'un vieux tango : La Maldita «tu es morte
et ta bouche me défie encore, au jardin de ton cour je ne peux plus
aller, va maudite » d'Espasa Palmito (Buenos Ayres 1921).
Arsis prend une sanguine, esquisse fébrilement un couple : l'homme
enlaçant le corps d'une magnifique jeune femme endormie. « Pluton le
dieu sombre enlevant Proserpine pour en faire sa fatale compagne,
l'Allemagne et la France ... » murmure t -il en relevant la tête pour
contempler son travail. Il repose la sanguine, se lève, soulève le
plancher de la pièce, en retire une musette de cheminot en cuir et sort
dans la nuit. Deux heures plus tard il est à genoux auprès de la voie de
chemin de fer Tour-Anger. La chouette hulula deux fois...
Lorsque la charge fut actionnée il lui resta cinq minutes pour regagner
le chemin bordé d'aubépines en fleurs. Nuit d'été 44,
fourmillante d'étoiles, de senteurs et de malheur.
Il chantonnait la Maldita « .«tu es morte et ton corps s'abandonne en
vain. » A ce moment les phares des camions militaires s'allumèrent et
les soldats l'entourèrent 10 canons pressés contre sa poitrine. « Finie
la pantomime" aboyât un quelconque feldwebel derrière les phares.
L'Explosion survient alors et le souffle couche les allemands comme des blés.
Étourdi, Abel file dans la forêt.
De retour à son atelier il commence à peindre l'enlèvement de
Proserpine par Pluton qui deviendra la première des 567 toiles
entreposées dans la cave de la petite villa dont je viens d'hériter.
La dernière toile représente la descente d'Orphée et d'Eurydice aux
enfers. Pour cette toile presque entièrement verte comme l'écologie, mon
oncle a utilisé les herbes sauvages, les orties, les ronces de son jardin
désormais à l'abandon.
Adrien NOVEL Merci à Adrien pour
son beau récit. Cloddy
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Vos
propositions ?
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