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Ma
première classe et autres soucis
Ma
première classe
Le problème du
sandwich a débuté quand un garçon du nom de Petey a hurlé,
"Y a
quelqu'un qui veut un sandwich à la mortadelle?
- Tu rigoles? Elle doit vraiment pas te blairer, ta mère,
pour te filer des sandwichs comme ça."
Petey a jeté le sachet en papier du sandwich sur le
détracteur, Andy, et les élèves se sont mis à crier. "Baston, baston !
ils disaient. Baston, baston !"
Le sachet a atterri par terre entre le
tableau et le pupitre d'Andy, au premier rang.
Je suis sorti de derrière mon bureau et j'ai émis le
premier son de ma carrière d'enseignant:
"Eh
!"
Après quatre années
d'études à l'université de New York, la seule chose que j'avais réussi
à trouver, c'était "Eh!"
Je l'ai répété. "Eh!"
lis ne m'ont pas prêté attention, trop occupés à
encourager la bagarre qui allait nous faire perdre du temps et me détourner du cours que j'avais sans doute préparé. Je me suis;approché
de Petey et j'ai fait ma première déclaration d'enseignant,
"Cesse de
jeter des sandwichs."
Petey et la classe ont eu l'air interloqués. Le
prof, le nouveau prof, venait d'interrompre une bonne bagarre. Les
nouveaux profs sont censés s'occuper de leurs oignons ou envoyer chercher
le proviseur ou un pion, et tout le monde sait bien que ça mettra des
plombes avant qu'ils se pointent. Ce qui veut dire qu'en attendant on peut
se taper une bonne bagarre. En plus, qu'est-ce qu'on va faire avec un prof
qui dit de cesser de jeter des sandwichs alors que le sandwich on l'a
déjà jeté ?
Benny a crié du fond de la salle. "Hé, Prof, yi' a
déjà j'té l'sanouiche. ... ...
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Vos
commentaires ?
L'écriture.
Extrait de "Teacher Man" -
page 346 et s.
Écoutez. Vous m'écoutez? Vous n'écoutez pas.
Je m'adresse à ceux d'entre vous qui pourraient être intéressés par
l'écriture.
À
chaque instant de votre vie, vous écrivez. Même pendant vos rêves, vous
écrivez. Quand vous arpentez. les couloirs de ce lycée et que vous croisez
différentes personnes, vous écrivez frénétiquement dans votre tête. Et le
plus important. Vous devez prendre une décision, une décision pour dire
bonjour. Allez-vous faire un signe de tête? Allez-vous sourire? Allez vous
dire, Bonjour, monsieur Baumel ? ou allez-vous seulement dire, Bonjour. Vous
apercevez quelqu'un que vous n'appréciez pas. Nouvelle crise d'écriture
mentale. Une décision à prendre. Détourner la tête? Le dévisager en
passant? Paire un signe de tête? Murmurer, Salut? Vous apercevez quelqu'un qui
vous plaît et vous dites, Salut, d'une voix tendre et enjôleuse, un Salut qui
évoque le splash d'une rame qui fend l'eau, l'envol des violons, des yeux
brillants au clair de lune. II y a tellement de manières de dire Salut. De le
murmurer, de le roucouler, de le gueuler, de le chanter, de le beugler, de le
hurler, de le dire en riant, en toussant. Une petite promenade dans le couloir
occupe plusieurs paragraphes, des phrases dans votre tête, des décisions à
foison.
Je vais vous montrer ça d'un point de vue
masculin parce que les femmes, pour moi, restent un grand mystère. Je pourrais
vous raconter des histoires. Vous écoutez? II y a une fille du lycée dont vous
êtes amoureux. Vous apprenez qu'elle a rompu avec quelqu'un et que le champ est
libre. Vous aimeriez sortir avec elle. Oh, les crépitements de l'écriture vous
envahissent la tête. Peut-être faites-vous partie de ces jeunes gens
décontractés qui parviennent à approcher Hélène de Troie avec
désinvolture, à lui demander comment elle va depuis le siège, et à dire que
vous connaissez un petit resto grec sympa dans les ruines d'llium. Le personnage
décontracté, le séducteur, n'a pas besoin de beaucoup travailler le
scénario. Les autres, comme moi, écrivent. Tu l'appelles pour savoir si elle
passera la soirée avec toi samedi soir. Tu es inquiet. Un refus te conduirait
au bord du gouffre, à l'overdose. Tu lui dis, dans le combiné, que tu es en
cours de physique avec elle. Elle répond, d'un air perplexe, Ah, ouais. Tu lui
demandes si elle est libre samedi soir. Elle est déjà prise. Elle a quelque
chose de prévu, mais tu la soupçonnes de mentir...
... ...
Voir
plus bas, "Ma première classe" par Douglas Kennedy
Présentation
de
Frank McCourt
Page 4 de couverture:
Après avoir enchaîné les petits métiers,
Frank McCourt se décide enfin à utiliser son diplôme d'enseignant. Premier
poste: un lycée technique de Staten Island; premiers élèves: des fauves.
Quelle attitude adopter? Au risque de fâcher sa hiérarchie, Frank choisit la
ruse. Les élèves font des batailles de sandwichs? Il les attrape au vol et les
mange. Ils sont régulièrement en retard? Il y voit une occasion de leur
enseigner l' écriture en leur faisant rédiger les excuses d'Ève ou de Judas.
Ils n'écoutent pas en cours? Il les intrigue, les étonne, les subjugue grâce
à des anecdotes sur son enfance irlandaise, histoires qui vont captiver les
élèves les plus rétifs et bouleverser des générations de lecteurs du monde
entier.
« (...) les professeurs d'aujourd'hui y
trouveront toutes sortes de bonnes recettes pour ne pas perdre la face à l
'heure du chahut. McCourt ferait un excellent ministre de l'Éducation
nationale.» André Clavel - L'Express
Également chez Pocket : C'est comment
l'Amérique? www.pocket.fr
Ma
première classe par Douglas Kennedy
Le
lundi matin, en arrivant sur le campus, mon anxiété était à son comble. Non
seulement c'était ma toute première journée d'enseignante, mais en entrant
dans la salle de cours avec un sourire que je voulais assuré je n'ai pu
repousser une idée accablante: « Ils sont tous en train de se dire que je ne
suis pas Deborah Holder... »
Le premier cours de la matinée portait sur « La singularité en Amérique »,
une étude des tendances poétiques expérimentales, depuis Ezra Pound jusqu'à
Allen Ginsberg. D'après ses notes, Deborah Holder avait prévu de commencer en
étudiant le poème de Wallace Stevens «Thirteen Ways of Looking at a Blackbird»
«(Treize façons de regarder un merle»), ce monument de virtuosité qui
fascinait tant mon amie Christy. Debout au pupitre, j'ai observé un instant mes
dix-sept étudiants, dont j'avais tenu à apprendre les noms par cœur pendant
le week-end. Ils paraissaient tous à moitié endormis, accablés d'ennui à
l'avance. J'ai inscrit au tableau noir mon nom et mon numéro de poste
téléphonique. Mes doigts tremblants menaçaient à tout moment de lâcher le
bout de craie.
J'avais le trac, tout simplement. Comme toutes les formes de nervosité
exacerbée, il naît d'une appréhension irrationnelle commune à tous les
êtres humains, en particulier les adultes: celle d'être « démasqué », de
trahir par quelques mots mal choisis l'intrinsèque supercherie de sa position
d'autorité, de révéler au monde entier que l'on ne croit pas soi-même une
minute à ce que l'on prétend être. J'ai fermé les yeux une seconde en me
disant que je devais continuer à tenir mon rôle sur scène, coûte que coûte,
puis je me suis retournée pour faire face à ma classe.
- Bien, commençons.
Après avoir inspiré profondément, je me suis mise à parler, mon incertitude
initiale cédant peu à peu le pas à la sensation que mon discours était
convaincant. J'ai d'abord reconnu la difficulté qui consistait à reprendre
le cours de Deborah Holder, ne prétendant pas me substituer à quelqu'un en
tout point irremplaçable, puis j'en suis venue au poème de Stevens en
remarquant que
celui-ci se focalisait sur une idée à la fois simple et complexe, ainsi que le
titre le résumait.
- « Regarder », interpréter ce que le monde nous offre détermine en grande
partie le cours de notre existence. La perception est la source de tout. Chacun
de nous choisit la manière dont il ou elle veut considérer la réalité. Cette
perception se transforme avec l'âge, certainement, mais nous restons toujours
conscients qu'il y a au moins « treize façons de regarder un merle », comme,
Stevens le dit si pertinemment. Comme tant d'aspects de la vie qui se situent
au-delà du constat empirique, il n'existe pas d'unicité de point de vue. Là
encore, la subjectivité domine.
Tout en percevant que certains concepts employés avaient quelque peu dérouté
mes jeunes auditeurs, j'étais toutefois satisfaite de cette première
prestation et
j'ai été presque certaine d'avoir retenu leur attention.
Pendant un moment, en tout cas.
(Quitter
le monde, Pocket, p.208-210)
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Cité
par "boufette"
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