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Cloddie, chapitre 2. aller au chapitre 3 chapitre 1
Éric avait mis longtemps à s'endormir. Un passé oublié avait ressurgi : Mathilde ! Il avait revu Mathilde ! De loin, il est vrai, mais il en était sur, c'était elle... Cet amour clandestin et déchirant, cette liaison brûlante qui le remplissait de remords et qu'il avait réussi à cacher à Cloddie ! Il avait du rompre lors de leur départ à Buenos Aires... Non, il n'avait pas "du rompre", il avait organisé lui-même ce détachement à l'étranger pour en finir avec cette double vie qui, c'était fatal, allait faire sombre leur couple. Et Mathilde n'était pas seule, une fillette était avec elle, une fillette de neuf à dix ans ! Était-ce possible ? Mathilde aurait eu cet enfant, leur enfant, et ne lui aurait rien dit ! C'est vrai, il avait tout fait pour la dissuader de lui écrire plus longtemps : quémander leur courriers en poste restante lui était pénible. Quant à recevoir ces courriers à l'Alliance Française, il n'y fallait pas songer. Cloddie était au secrétariat et ces lettres venant de leur ville d'origine aurait posé des questions. Et puis, ils étaient si loin... Et c'est lui même qui l'avait voulu. Et maintenant, cette petite fille qu'il ne connaissait pas, qui ne le connaissait pas ! Il devait en avoir le cœur net. Mais comment reprendre contact avec Mathilde ? Peut-être s'était-elle mariée depuis, ou simplement avait déménagé. Il avait passé plus d'une heure à rechercher son adresse sur le minitel, dans tous les villages environnants, en vain, il le savait d'avance, car elle demandait toujours aux Télécom de garder son adresse secrète... à son ancien travail, à l'agence de publicité, elle était à présent inconnue, à peine un administratif se souvenait-il d'elle, elle avait démissionné depuis plusieurs années. Retrouver Mathilde, reconnaître cette enfant, serait une chance pour lui, trop lâche pour quitter Cloddie et leur trois enfants, ce foyer où il ne se reconnaissait plus, où il faisait chaque jour l'effort de paraître le même... Il entendit Cloddy se lever discrètement. Il ne songea pas à la retenir pour un baiser matinal, qui entraînait quelquefois une étreinte plus prolongée. Au contraire, il feignit dormir... Il entendit, dans la cuisine, la radio en sourdine, le bruit des bols sur la table du petit déjeuner, et quand elle fut sous la douche, il s'habilla en vitesse, griffonna un petit mot, prétextant un cours à préparer au collège, et s'esquiva sans bruit... Il ne pouvait pas supporter, aujourd'hui les banalités que l'on échange le matin.
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